Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 14.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’abondantes aumônes et d’émouvans témoignages d’affection. Mais peu à peu on s’accoutume à le voir et on le néglige. Il se met alors à la recherche de la cachette, et il découvre le trésor.

Telle est la trame des Deux Justices. Le titre importe peu ; les péripéties n’importent guère davantage, et le récit, par son allure calme et son ton tout uni, semble se refuser à les mettre en valeur. Le vrai sujet est l’âme ignorante et crédule de Zio Chircu, son âme d’enfant et de sauvage, sa vie qu’il ne comprend pas, tissée de hasards ou de fatalités où il n’est pour rien. Une philosophie mélancolique, douloureusement ironique de l’existence, est répandue dans cette histoire, et cette philosophie est l’un des élémens du talent de Grazia Deledda.

La Jument noire en met d’autres en lumière : le don de traduire en paroles, en attitudes, en gestes, les sentimens et les humeurs des personnages, d’imposer l’enchaînement des faits qui constituent le drame en communiquant au lecteur l’impression d’une logique inévitable, toujours menaçante, et d’évoquer alentour les aspects mobiles, la vie foisonnante et nuancée du paysage.

Sans artifice, la nouvelle s’est trouvée bâtie comme une pièce en cinq actes. — Premier acte. Antonio Dalvy, marchand de chevaux, parcourt les villages, suivi de deux domestiqués, Bellia[1] et Ghisparru[2], l’un incrédule et moqueur, l’autre ignorant, dévot et bon. Le sacristain d’une chapelle isolée lui vend une jument noire et profite de l’occasion pour changer ses économies, menue monnaie et petits billets sales, contre des billets flambant neuf. — Second acte. A quelque temps de là, Bellia est arrêté pour avoir donné en paiement des billets faux, et, malgré ses menaces et ses supplications, son maître le laisse condamner. — Troisième acte. Quatre ans après. Le pèlerinage amène à la petite chapelle la femme d’Antonio Dalvy, montée sur la jument noire, son fils Giame[3] et le serviteur Ghisparru. Ils se rencontrent avec Bellia, sorti de prison. — Quatrième acte. Bellia entraîne Giame dans la chapelle avec le sacristain, et raconte pourquoi il a été condamné. Une nuit, il était venu : il avait volé l’argent du sacristain, lequel n’avait osé porter plainte parce que ses économies étaient faites de ce qu’il soustrayait aux

  1. Bellia, Giovanni-Maria, Jean-Marie.
  2. Gkisparru, Gaspard.
  3. Giame, Giacomo, Jacques.