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aussi de l’art, qui élimine les données accidentelles, grossières, fugitives, pour dégager le style ; c’est-à-dire la plus haute expression de la beauté dans la vérité. On peut dire qu’en ce sens la théorie qui veut que le laid, le plat et l’ignoble soient dans l’art, parce qu’ils sont dans la nature, est contraire à la nature même. L’art est un choix et un effort. Le choix et l’effort de a nature vont vers la perfection du type.

Telle est la tendance de notre Ecole des Beaux-Arts, et le but de notre Académie de France à Rome. L’admirable Villa Médicis, qui, depuis un siècle, est notre propriété nationale, y correspond merveilleusement. Que n’y pouvons-nous envoyer tous ceux qui jalousent, qui dénigrent et qui doutent ! Quand ils pénétreraient dans ces jardins d’une poésie indicible, quand ils s’accouderaient à ces terrasses dominant la Ville Éternelle, quand ils surprendraient, à l’angle d’une de ces allées, closes par les verdoyantes murailles des buis, des accens de jeunes voix françaises, discutant gravement de questions d’art, quand ils sentiraient flotter dans ces lieux antiques, étranges et charmans, l’âme de la Patrie, pacifiquement dominatrice, et conquérante ici par la beauté, une émotion fière et profonde leur gonflerait le cœur. Ils comprendraient qu’ils ont posé le pied sur un terrain sacré ; qu’il y a dans cette demeure des choses plus hautes que celles qu’on discute au nom d’un budget ou d’un système : de ces choses qu’on ne peut amoindrir, sans détendre en même temps quelque secret ressort dans les énergies et les saines ambitions d’une race.


HENRY LAPAUZE.