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N… et N… la somme de… pour être employée aux œuvres de charité qu’ils savent, sans qu’ils soient tenus d’en rendre compte. En cas de décès de l’un des trois, les deux survivans en nommeront un qui leur sera indiqué par la Compagnie. » Comment se fit-il qu’un jour un bon prêtre, pourtant maître de la Chambre des comptes de Paris, commit l’étourderie de nommer la Compagnie dans son testament ? « Celle-ci ne voulut prendre aucune connaissance » de ce legs imprudent.

Un autre péril de publicité résulta pour elle, de bonne heure aussi, de son succès même.

À peine le groupe de Paris était-il définitivement constitué (décembre 1630) que « Dieu multipliait son ouvrage par l’établissement à Lyon d’une compagnie formée sur son modèle. » Et, après Lyon, ce fut Orléans, puis Angers, La Flèche, Aix, Blois, Marseille, Cahors, Arles, Tours, Toulouse, Poitiers, Caen, Toulon, Bordeaux, Senlis, Laval, Rouen, Périgueux, vingt autres villes. D’Argenson en nomme cinquante-trois. M. Allier en compte cinquante-six et croit, très vraisemblablement, qu’il y en eut davantage[1].

Mais, dans la plupart des fondations nouvelles, il s’agissait, d’abord, de refaire ce qu’on avait fait à Paris : de cacher la Compagnie aux autorités locales, et, en premier lieu, à l’évêque. Car il ne faut pas que sur ce point les statuts nous fassent illusion, ni les « mémoires » théoriques rédigés par deux des confrères les plus éminens, MM. du Plessis-Montbard et de Renty, et que d’Argenson cite avec insistance dans son plaidoyer à l’archevêque de Paris en vue du rétablissement de la Compagnie. Sans doute les statuts nomment « les prélats » parmi les personnes qui peuvent entrer dans la Compagnie ; mais ils ne disent pas que l’ordinaire du lieu y doive entrer de droit. Et, si M. De Renty proclame que les évêques en sont « supérieurs nés, » il ne conseille pas de les en faire supérieurs effectifs et actifs. Les grands honneurs que les règlemens proscrivaient de leur rendre indiquent précisément le contraire. Quand l’évêque viendra assister à une réunion, on se lèvera à son entrée ; on lui donnera la première place à la droite et au-dessus du supérieur. Mais on ne lui donnera pas la présidence. On l’assoira sur un fauteuil, — dont, pour éviter toute jalousie, il est prévu qu’en

  1. Allier, p. 234.