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et fausse, entourée d’adorateurs qu’elle fanatise, elle met une sorte de coquetterie féroce à leur faire jouer leur tête dans de graves complots. » Elle est « d’un esprit remuant, d’un cœur froid, » et sa joie est d’amener des drames et des suicides. Puis, elle se métamorphose, et sa métamorphose est « extraordinaire, presque effrayante. » Elle devient une « jésuitesse, » et on ne voit plus chez elle que « des femmes d’une dévotion retentissante, des membres considérables du haut clergé. » Elle ne donne plus de fêtes, et son hôtel « prend un aspect monastique. » On n’y parle plus qu’à voix basse. » Et à quoi se livre Mme la princesse de Saint-Dizier, dans cette austérité et ce silence ? Aux rapts, aux séquestrations, aux meurtres. Quatrième figure d’« Église, » quatrième physionomie « cléricale ! »

Et toutes sont ainsi. Excepté une pauvre femme du peuple illettrée et crédule, et son fils, l’abbé Gabriel, jeune prêtre des Missions étrangères, tous ces personnages, quels qu’ils soient, composent un musée des horreurs. C’est le banquier Tripeaud, un baron de la finance « qui jouerait à la hausse ou à la baisse sur la mort de sa mère, » et qui est, on ne sait pourquoi, un baron catholique ! C’est le docteur Baleinier, un médecin dévot, qui enferme par surprise dans des cellules de fous les jeunes filles qui se fient à sa protection ! C’est l’abbé Dubois, qui abuse criminellement de la confession ! C’est l’écrivain religieux Jacques Dumoulin, « toujours ivre, » et qui « ne quitte pas les tavernes. » comme si l’ivrognerie et le séjour des tavernes étaient spécialement le fait des écrivains religieux ! C’est la mère Sainte-Perpétue, supérieure d’un couvent qui est un établissement de captation et d’enlèvement ! Et c’est, enfin, Rodin, le fameux Rodin, qui a « une vieille redingote olive, » de « gros souliers huilés, » un « mouchoir à tabac pour cravate, » un « masque livide, » et qui inspire et dirige en secret toute cette société diabolique. Il arrive un jour au château de Cardoville, comme représentant de la princesse de Saint-Dizier, annonce au régisseur que le château va être vendu, qu’une dame en devient acquéreur, et le prévient qu’il devra tenir Mme de Saint-Dizier au courant de la conduite et des actes de la dame, s’il tient à garder sa place.

— « Mais, se récrie le régisseur, c’est de l’espionnage !

— « Non, dit Rodin, c’est de la confiance. »

Puis, il conseille au régisseur de suggérer à la nouvelle châtelaine