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part de Votre Majesté que tous mes plans ont été calculés... J’envisagerai le moment — de l’entrevue — comme un des plus heureux de ma vie, mais, si mon cœur désire qu’il ne soit pas retardé, la situation des affaires ne le demande pas moins. » — « Forgeons le fer pendant qu’il est chaud ! » dit-il quelques jours après, et il résolut de partir pour Berlin. Enveloppée par les armées russes, enguirlandée par le tsar, la Prusse était prise ; mais elle ne se livrait pas encore. Napoléon, en la heurtant, la fit tomber dans les bras d’Alexandre.


III

Avant de quitter Paris, Napoléon organisa une sorte de régence. Il comptait gouverner de loin, en marchant, par les courriers, par les « portefeuilles » gonflés de rapports, bourrés de notes de police, qu’apporteraient les auditeurs au Conseil d’État ; mais il se pouvait présenter des conjonctures urgentes ; il fallait, en cas d’événement, pourvoir au nécessaire : ces mots s’entendaient de la mort de l’Empereur. Le « Grand Electeur, » Joseph, reçut, avec la présidence du Conseil d’État, l’extérieur du pouvoir ; l’ancien président du Comité de Salut public, Cambacérès, en eut la réalité. Le 17 septembre, Napoléon réunit le Conseil d’État en séance extraordinaire. Son langage rappela les temps de la Révolution, et c’était bien celui d’un empereur de la République française : — « J’irai briser cette odieuse maison d’Autriche que je n’aurais pas dû épargner. Je la réduirai au rang de puissance secondaire... Mes alliés verront que... ma protection n’est pas vaine. Je ferai de la Bavière un grand État interposé entre l’Autriche et moi, et j’irai signer une nouvelle paix dans le palais de l’empereur d’Allemagne. » Il annonce des rappels de réserve, des levées anticipées, la réorganisation des gardes nationales. « J’ai tout ce qu’il me faut ; mais il faut prévoir les besoins d’une guerre qui peut se prolonger deux ou trois ans[1] ; il faut, tandis que je serai engagé au fond de l’Allemagne, que la nation me réponde d’elle-même, qu’elle garde les places, qu’elle repousse, s’il est nécessaire, une descente, une tentative de l’ennemi sur nos côtes. Il faut donc ranimer son ancienne énergie, faire voir à l’Europe entière qu’elle s’associe à son chef...

  1. En réalité, elle dura de septembre 1805 à juillet. 1807, près de deux ans.