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Je ne suis sur le trône que par sa volonté... Je suis son ouvrage, c’est à elle de le maintenir. »

Les périls qu’il prévoyait ne se réalisèrent que quatre ans plus tard, à la suite du premier grave échec de ses armes, à Essling ; mais ce n’étaient point des paroles de rhétorique, et, pour employer un mot favori de Napoléon, la guerre qui commençait ne devait pas être « un jeu d’enfans. » Ces discours, ces mesures trahissaient la fragilité de l’édifice, républicain ou impérial, qui s’élevait depuis 1795, la précarité des victoires, de Fleurus à Hohenlinden, de Lodi à Marengo, l’incertitude des traités, de Bâle à Rastadt, de Campo-Formio à Lunéville et Amiens.

La campagne de 1798 recommençait. C’est sur Naples, comme alors, que portèrent les premiers coups. Il importait de se libérer aux extrémités, de se concentrer en Italie, où Eugène et Masséna ne se trouvaient pas en force devant les Autrichiens.

Napoléon compte que Gouvion entrera à Naples dans le temps où lui-même passera le Rhin, entre le 23 septembre et le 7 octobre. Gouvion sera maître de Naples avant que le gouvernement sache même que les hostilités sont commencées, et il attendra, tenant les gens en peur et en soumission. Ce qu’il attendra, c’est un traité que Talleyrand va dicter, à Paris, à M. de Gallo, et qui arrivera peu de jours après Gouvion. Ce général disposera les esprits à le ratifier. Talleyrand fit venir Gallo et lui posa cet ultimatum : Le roi de Naples s’engage à observer la plus stricte neutralité, sur terre et sur mer ; il repoussera les alliés, s’ils tentent de débarquer ; il ne tolérera dans son armée ni Russes, ni Autrichiens, ni Anglais, ni émigrés français ; à ces conditions, et dans le délai d’un mois après les ratifications, Napoléon évacuera le royaume. Gallo signe et expédie, en hâte, le traité, le 21 septembre. Napoléon, le considérant comme acquis, écrit à Gouvion de rejoindre Masséna, dès que les ratifications seront signées[1].

Ainsi fut fait. Gouvion reçut ses premiers ordres le 7 septembre, et se mit aussitôt en marche. Son approche terrifia la cour de Naples. Cette cour était alors en pleins pourparlers avec l’envoyé russe, Tatistchef ; le 10 septembre, elle avait décidé de livrer toutes ses places aux alliés. Elle n’eut plus qu’une pensée, se débarrasser de Gouvion, et le renvoyer à l’armée de Masséna :

  1. A Gouvion, 23 septembre 1805.