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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/303

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mais lourdement, à coups hésitans. Les états-majors discutent les plans et se querellent ; les Russes affectent de mépriser les combinaisons compliquées et la lenteur du Hofkriegsrath, et les Autrichiens de dédaigner l’audace aveugle des Russes, ne comprenant rien au fatalisme doublé de rouerie de Koutousof. D’Olmütz, le 19 novembre, Alexandre écrit à Frédéric-Guillaume : « Notre position est plus que critique ; nous sommes absolument seuls contrôles Français, et ils nous talonnent continuellement… L’armée autrichienne n’existe pas… Le comte Haugwitz n’est pas encore arrivé, et il semble que Bonaparte veut nous mettre à l’extrémité avant son entrevue avec lui… Je m’en remets à vous, sire et ami. Si vos armées avancent, la situation changera entièrement, et les miennes pourront reprendre l’offensive. » Le 20 : « Nous ne sommes pas indignes, sire, d’avoir pour allié un souverain qui a une armée aussi célèbre que la vôtre. »

François II et Cobenzl n’étaient point, au fond, éloignés de reprendre la partie de Campo-Formio et d’arracher, s’ils le pouvaient, avant la bataille, quelques morceaux d’Italie. Un diplomate, le comte Stadion, et le général Giulay furent envoyés à Brünn, avec des pouvoirs ; toutefois, ils eurent ordre de se concerter avec Haugwitz et la négociation se devait engager sous les auspices de la Prusse. Napoléon aurait préféré une négociation directe qui eût mis les Russes en méfiance et ralenti les concentrations ; mais il prit les Autrichiens au mot, et, puisqu’ils prétendaient s’aboucher avec Haugwitz, il s’arrangea pour retarder l’arrivée du ministre prussien. Il parla d’un armistice préalable, et envoya les deux Autrichiens en conférer à Vienne avec Talleyrand, qu’il y avait mandé.

Talleyrand y était arrivé, le 17 novembre, après un voyage assez accidenté, en dehors de ses habitudes et dépourvu des commodités de la diplomatie : « Il est indispensable que Votre Majesté donne quelques ordres relatifs à la sûreté des routes… À une lieue de Strasbourg, on a tiré sur moi ! » Le 20, il reçut les deux Autrichiens. Stadion, lent, difficultueux, peu flexible, « la morgue autrichienne dans toute sa pompe, » parla d’armistice, puisque Napoléon paraissait en désirer un, et de la paix complète que la Prusse se proposait de ménager entre les belligérans, le tout, très académiquement. « La Prusse, dit-il, n’est point en guerre, et, par conséquent, elle est la seule qui puisse concilier les intérêts de tous. — Sans doute, répliqua Talleyrand, la paix