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dans le nord de la Perse, et menace également les intérêts commerciaux britanniques dans les régions du Sud.

Il est vrai que le gouvernement britannique a cherché immédiatement à parer le coup porté à son commerce par le dernier traité russo-persan et nous avons ici à enregistrer un nouvel et curieux épisode de cette lutte d’influences qui se dispute le plateau de l’Iran, Tout d’abord le Foreign-Office a fait aussi bonne figure que possible à ce mauvais jeu. Le jour même où avait lieu la notification officielle du traité commercial russo-persan, sir Arthur Hardinge, ministre de la Grande-Bretagne à Téhéran, recevait solennellement la mission extraordinaire envoyée, avec un pair du Royaume-Uni à sa tête, pour remettre au chah l’ordre de la Jarretière. Des explications étaient ensuite demandées à la cour de Téhéran, des négociations étaient engagées, et, en fin de compte, l’Angleterre se décidait à accepter, tout comme la Russie, une nouvelle base pour ses rapports commerciaux avec la Perse. C’est le 27 mai dernier qu’a été ratifié l’accord commercial anglo-persan. Ce traité est une satisfaction complète donnée aux besoins et aux appétits fiscaux de la Perse. Rien ne ressemble dans cet instrument à la disposition si simple et si large qui étendait le tarif des 5 pour 100 du traité de Tourkmanchaï aux marchandises anglaises et dont celles-ci avaient bénéficié jusqu’ici. On y trouve à chaque article des droits de dix, de vingt, de trente, parfois 40 pour 100 et plus. C’est un tarif ultra protectionniste, en partie prohibitionniste, substitué au régime du libre-échange. Pour ne pas être en reste avec les bons procédés de la Russie à l’égard de la Perse, l’Angleterre a dû, dans le nouveau régime commercial anglo-persan, sacrifier ses théories les plus chères, — peut-être au détriment de ses relations commerciales avec l’Iran.

Mais quoi qu’il en soit de la souplesse et de l’activité de la politique anglaise à lutter d’influence sur le terrain économique avec sa rivale, les résultats de la politique commerciale russe sont dès à présent frappans. En 1889, lord Curzon évaluait le commerce total de l’Angleterre avec la Perse, en y comprenant le commerce de celle-ci avec les Indes, à 75 millions de francs. Pour 1900-1901 la statistique des douanes donne comme total des échanges avec la Russie 125 millions et avec l’Angleterre 50 millions seulement. Le commerce russe s’est accru d’une manière extraordinaire, celui de l’Angleterre a baissé. Cette