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C’est en 1786 d’abord que les différens gouvernemens américains se sont groupés, afin de traiter des affaires communes. La présente Constitution est sortie de cette union. Le motif allégué officiellement pour convoquer les délégués était une discussion sur les méthodes qui allaient donner au Congrès le droit de réglementer le commerce. Il est constant que depuis cette époque tout l’effort du gouvernement a tendu à provoquer des essais où les forces vierges du pays trouveraient l’occasion de se développer prodigieusement. De toutes ces cultures voulues et intenses, la plus curieuse est sûrement le trust.

On dirait que ç’a été le destin du grand et fertile hémisphère dont les États-Unis sont une moitié, de rester plongé dans l’obscurité jusqu’à l’âge de l’industrie triomphante qui allait donner aux ressources naturelles de ce pays l’occasion d’être mises en pleine valeur. Chaque contrée a produit un type d’homme correspondant au rôle qu’il aurait à jouer dans l’évolution universelle. L’Amérique a débuté dans le monde avec l’avènement d’une ère commerciale ; doit-on s’étonner, après cela, que l’Américain type soit, comme il a été dit, un homme d’affaires ?

La biographie de M. André Carnegie vient ici comme l’exemple après la règle. Voilà un homme qui, lorsqu’il est arrivé à New-York vers 1845, était un enfant de pauvres. En 1902, il s’est retiré des affaires, avec une fortune de 100 millions de dollars. M. C.-M. Schwab, son successeur à la tête de l’United States Steel Corporation, était, il y a vingt-deux ans, un simple ouvrier aux usines de Pittsburg. Il est propriétaire maintenant de 15 millions de dollars en actions de la même Compagnie, il a sous ses ordres un demi-million d’employés. Voudra-t-on contester le génie à des hommes de cette trempe, à des Pierpont Morgan, à des Rockefeller ?

Si les trusts commencent à être en opposition avec les lois qui devraient gouverner l’humanité, et à menacer la prospérité de la République, au moment où on les juge, on ne doit pas oublier qu’ils tirent leur existence, non pas seulement de l’association du capital et du travail, mais, en toute occasion, d’une intelligence souveraine. Ils sont la création du cerveau d’un homme particulier. Leur vie est limitée à sa vie. Le trust et l’homme ne font qu’un, et cet homme est un sujet doué pur excellence des qualités américaines. Comment limiter la liberté du trust, sans, du même coup, toucher à l’initiative de l’homme ?

Vers 1882, les grandes compagnies intéressées dans la raffinerie