appartenait. On a pu faire une Serbie et une Bulgarie pour les mêmes motifs : il n’y avait pas là seulement des Serbes et des Bulgares, mais les Serbes et les Bulgares y dominaient dans une très forte proportion. En remontant plus haut, nous dirions la même chose de la Grèce, et, en revenant plus près de nous, nous constaterions que la Crète est une île, ce qui la rend incontestablement plus facile à détacher de l’Empire. La grande difficulté pour faire une Macédoine est qu’il n’y a pas, à proprement parler, de Macédoniens. Le Macédonien est une expression ethnographique qui ne correspond, ou peu s’en faut, à aucune réalité. Il y a dans ce pays qu’on pourrait, en se servant d’un mot d’invention récente, appeler l’hinterland de tous les autres, des Serbes, des Bulgares, des Roumains, et beaucoup de débris d’autres races moins caractérisées, sans parler des Turcs, qui font entre eux tous une police très médiocre sans doute, mais qui y maintient toutefois un peu d’ordre et de paix. Cette diversité de races a encore été augmentée par la création politique des petits royaumes ou principautés dont nous avons parlé, les représentans des races étrangères qui se trouvaient sur leur territoire ayant cherché un refuge en Macédoine, où ils préféraient la souveraineté du Turc à celle d’un rival chrétien abhorré par-dessus tout.
Pour tous ces motifs, la Macédoine est devenue le carrefour banal d’une bonne dizaine de races orientales, et l’on ne peut pas essayer de dire que l’une d’elles y est en plus grand nombre, sans provoquer immédiatement la protestation indignée de toutes les autres. C’est ce qui arrive en ce moment pour les Bulgares. Ils sont vraisemblablement plus nombreux en Macédoine, non pas que toutes les autres races réunies, mais que les Grecs ; mais qu’on ose en faire la remarque, et aussitôt les Grecs entrent en ébullition. Ils jurent par Jupiter que rien n’est plus faux, et qu’ils le feront bien voir au besoin. C’est là qu’est l’autre difficulté, encore plus grande que la première, de la situation macédonienne. Malgré la multiplicité des races qui l’occupent, on pourrait donner un gouvernement autonome à la Macédoine, si elle était une île comme la Crète, c’est-à-dire si elle n’avait pas de proches voisins territoriaux dont chacun entretient en elle, avec une colonie plus ou moins importante, une conspiration à l’état permanent en vue de s’emparer du pays tout entier. Les Bulgares, auteurs incontestables de tout ce qui se passe actuellement, ont fomenté la révolution macédonienne parce qu’ils se croient, et peut-être ont-ils pour le moment raison, les mieux organisés ou les plus forts ; mais, le jour où la Grèce, la Grèce qui se montre aujourd’hui