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bien joli. Qu’y faire ? le canton de Vaud fait aussi partie du monde, lequel est donné en usufruit à tous, et n’appartient en propre à aucun. Toujours, toujours, sous une forme ou une autre, il survient des Burgondes. Heureux ceux qui ne les voient pas ! M. de Gingins ne se doute pas de ceux-là, j’en suis sûr. Tâchez d’être sourds comme lui.

« C’est tout pour aujourd’hui, l’imprimeur vient ; baisers aux chers petits (qui sont des Burgondes aussi), salut à Aigle et à Eysins au premier beau couchant vu de la fenêtre.

« Amitiés et dévouement à vous deux et Lèbre. »


Dimanche.

« Croyez-vous, chère Madame, qu’on puisse vous répondre tout incontinent ? quand on est dans des veilles et des avant-veilles de revue ; les petits bouts de critique, les épreuves du voisin à revoir, tout le menu tracas qu’on finit par aimer, et que Buloz (notre Roi) exige, vous confisquent des quartiers entiers de quinzaine, et de là les phrases avec les amis restent en suspens comme un télégraphe arrêté par le brouillard. Mon rayon du soleil d’ici répond bien tard à celui qui s’est levé plus tôt sur Rovéréa, mais voici pourtant qu’il y répond.

« Mme de Tascher a été bien vraiment sensible à votre souvenir et elle vous rend le sien avec cette grâce aimante qu’elle garde dans une santé toujours inquiétante pour ses amis. Je ne ris jamais tant qu’avec elle, et nous devons aller tous manger du gâteau mardi à une boulangerie viennoise très splendide et très friande. Mlle Marie aime beaucoup les gâteaux, et son cousin, revenu d’Alger, et qui vient d’être nommé capitaine, nous paie à tous ce joyeux régal. Mlle Rachel, ressuscitée plus forte et plus tragédienne que jamais, a hier ravi tout Paris dans Emilie de Cinna. Mm* Dudevant attend pour faire jouer son drame[1] que Mme Dorval soit libro d’un engagement avec un autre théâtre. Mme d’Agoult, qui est revenue ici précédant Liszt de quelques mois, est un peu en froid avec elle, mais on est en train de s’expliquer, et il n’y a pas à désespérer que l’amnistie ne soit complète et que tout finisse par une réconciliation générale. Mme d’Agoult m’a beaucoup parlé de M. Diodati, qu’elle connaît et qu’elle apprécie à merveille ; c’est une bien noble personne

  1. Cosima, qui fut représenté au Théâtre-Français le 29 avril 1840.