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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/591

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desquels notre influence se développerait sans entraves ; obtenir immédiatement pour l’Indo-Chine de nouveaux élémens de force et de prospérité et ajouter à ses garanties de sécurité dans l’avenir. »

Voici donc, bien définis, les deux objets que l’on se proposait d’obtenir, et voici, du même coup, les deux maîtresses illusions dont le mirage a trompé les négociateurs français. Nos relations avec le Siam étaient, il faut en convenir, on ne peut plus mauvaises : mais pouvait-on croire qu’en renonçant aux droits que nous tenions du traité de 1893, en supprimant l’objet même du litige, on prendrait la meilleure voie pour « . renouer des rapports amicaux ? » C’était mal connaître l’aristocratie rusée qui gouverne à Bangkok et les influences étrangères qui s’exercent autour d’elle. Il était certain que toute concession serait interprétée comme une faiblesse, non seulement par le roi et ses conseillers, mais aussi par toutes les races et tous les petits États qui dépendent du Siam et par nos sujets eux-mêmes. Un traité avec le Siam n’a rien de commun que le nom avec celui que nous ferions, par exemple, avec la Belgique ou la Suisse ; il n’est pas un échange de concessions mutuelles, d’avantages équivalens et de garanties réciproques. Reculer, fût-ce sur un seul point, est une preuve de faiblesse dont les conséquences sont toujours graves. Notre situation était, il est vrai, mauvaise, mais pouvions-nous l’améliorer par un nouvel acte diplomatique ? Il est permis d’en douter. — Le 9 septembre 1893, M. Le Myre de Vilers, plénipotentiaire de la République française, envoyait à M. Develle un câblogramme qu’il a récemment rappelé.

« En Asie, télégraphiait l’éminent diplomate, on impose sa volonté aux natifs quand on est le plus fort. — On s’abstient quand on est le plus faible. — On se dérobe et on devient défendeur quand on ne veut ou ne peut pas agir. »

Il est impossible de mieux dire. En 1902, notre situation, au Siam et dans le reste du monde, n’était pas telle qu’elle nous permît de traiter avantageusement ; le mieux eût été de nous abstenir, de chercher à augmenter notre influence par d’autres moyens, de réserver l’avenir au lieu de le compromettre par une convention qu’il a fallu renoncer à ratifier. Les événemens, d’ailleurs, sont venus, au lendemain même de la signature, montrer aux plus optimistes dans quel esprit les Siamois avaient négocié et quelle part d’influence ils entendaient nous faire à