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Battambang et de Siem-Reap seront ou non replacées sous le joug des Siamois, mais bien si la France sera ou non fidèle à ses engagemens, si elle apparaîtra, à tous ses vassaux et à tous ses protégés, comme la tutrice de la justice et du droit, à tous les peuples, foulés depuis des siècles par les Siamois, comme la protectrice dont on n’invoque pas en vain le nom respecté.

Ces exemples suffisent pour conclure que toutes ces méprises sur les véritables intérêts de la France en Indo-Chine procèdent d’une méconnaissance radicale des diverses circonstances de temps, de pays, de milieu où notre action est appelée à s’exercer en Extrême-Orient et au Siam en particulier. Au lieu de la connaissance détaillée de nos intérêts nationaux, on trouve trop souvent, dans les journaux officieux, et jusque dans « l’exposé des motifs » qui précédait le texte de la convention franco-siamoise, des argumens qui déconcertent. On reproche au traité du 7 octobre de marquer un recul de l’influence française : mais voyez les annexions ! On se plaint de l’abandon de nos protégés : mais l’Angleterre inscrit les mêmes clauses depuis longtemps dans ses traités avec le Siam ; et, en faisant cette réponse, l’on oublie de se demander si les conditions dans lesquelles l’Angleterre exerce sa domination sont les mêmes que celles où nous nous trouvons. Un chemin de fer est une parure que toute colonie se doit à elle-même ; il est « un progrès ; » nos ingénieurs auront donc le droit de diriger les travaux de tout chemin de fer construit dans la zone, dite d’influence française, déterminée en 1896 ; et l’on ne se demande pas si, comme nous le verrons, certaines lignes projetées ne seraient pas désastreuses pour notre commerce et notre influence. L’opinion publique ou les « coloniaux » exigeans veulent-ils quelque chose encore ? Le combat contre les microbes, à Bangkok, sera dirigé par un médecin français, et n’est-ce pas là un succès pour la « science française, » pour la « civilisation française, » pour notre « génie humanitaire ? » Ce sont là, tranchons le mot, des argumens à l’usage des journalistes et des « blocs » parlementaires ; suffisans pour entraîner des applaudissemens et grouper une majorité ; ils s’évanouissent au contact des réalités. Si les Anglais ont su, pendant que notre diplomatie s’éternisait à des négociations interminables, annexer peu à peu ou faire passer sous leur protectorat une bonne partie des régions délimitées en 1896 comme constituant leur « sphère d’influence, » et en même temps acquérir