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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/598

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que les mandarins siamois sont haïs dans les États malais, comme au Cambodge ou au Laos, pour leurs exactions et leur arrogance, et que les petits sultans, qui ont toujours redouté le joug de Bangkok, vivront tranquilles, comme leurs collègues des « États fédérés, » sous le drapeau de la Grande-Bretagne.

Les incidens de ces derniers mois éclairent pleinement les intentions de l’Angleterre dans la péninsule de Malacca. L’année passée, un discours de sir Franck Swettenham, résident supérieur des « États fédérés malais, » annonçait sans ambages l’intention d’étendre la domination britannique sur toute la péninsule et de joindre les « Colonies du détroit » au Tenasserim. En même temps, les journaux de Singapour et des « Strait’s-Settlements » dénonçaient avec passion l’oppression exercée par les Siamois sur les petits sultanats de la péninsule ; les événemens de Kelantan ont montré comment procéderont les agens anglais : en dépit de dénégations, réitérées mais toujours vagues, il est constant que la mainmise de la Grande-Bretagne sur la principauté est un fait accompli et qu’on ne la dissimule que par crainte des imitateurs. Deux voyages du résident général à Kelantan, la signature d’une convention commerciale, la présence de soixante soldats sikhs auprès du sultan, le témoignage de plusieurs voyageurs, ne laissent aucun doute sur la réalité de la suzeraineté britannique. Sous prétexte de protéger les Malais contre les exactions des Siamois, l’Angleterre met donc la main sur une principauté siamoise, mais elle le fait avec une réserve et une prudence qui lui permettent de dissimuler officiellement la réalité et de sauvegarder les apparences. Dernièrement, en juin, des journaux ayant annoncé que la Grande-Bretagne avait signé avec le Siam une convention relative à Kelantan, une note communiquée à la presse le nia, ajoutant, par un de ces euphémismes politiques qui concilient les traditions de l’humour britannique avec les exigences de l’impérialisme : « L’administration de Kelantan n’est pas entre les mains des Anglais : c’est le roi de Siam qui choisit les fonctionnaires avec l’approbation de l’Angleterre. Il n’y a pas de garnison anglaise à Kelantan, mais quelques soldats de l’Inde anglaise qui y sont employés comme gardes du corps du sultan et des rajahs... » Quelle leçon pour notre politique et pour notre presse ! Comparez à ces délicates circonlocutions, fidèlement reproduites par tous les journaux, le bruit qu’a fait, chez nous, la presse officieuse de l’acquisition