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mais un type quelconque peut réclamer sa place dans une échelle ainsi déterminée, sans en excepter la face simiesque de Voltaire, qui est lui aussi un Germain des plus authentiques aux yeux de son admirateur, M. Chamberlain.

Les mensurations de crânes, dont l’importance est si considérable aux yeux de quelques impérialistes scientifiques de notre temps, laissent notre auteur encore plus sceptique que la coloration du système pileux ou que l’ossature du masque. Il sait les objections embarrassantes qui ont été présentées à ces intrépides savans et il ne s’arrête même pas à réfuter longuement leurs assertions. Tout au contraire il exprime son scepticisme total au sujet des efforts de l’anthropologie contemporaine par cet apologue amusant. Si, dit-il en substance, favorisés du même bonheur que Tacite, nous pouvions contempler de nos propres yeux les tribus assemblées des vieux guerriers du Nord, nul doute que nous n’eussions à discerner dans leurs rangs des caractères physiques souvent contradictoires : ce seraient des tailles élevées et des statures moyennes, des tresses blondes et des boucles brunes, des iris bleus et des pupilles foncées, des crânes courts et des têtes longues. Eh bien ! il faudrait néanmoins le proclamer sans hésitation, « les petits hommes de ce groupe sont grands, parce qu’ils appartiennent à une grande race, et, par la même raison, ces brachycéphales ont des cerveaux allongés, car, en y regardant de plus près, vous trouveriez en eux, intérieurs sinon extérieurs, les caractères du vrai Germain[1]. » C’est donc une fois de plus ici un appel au critérium tout psychique dont nous aurons à esquisser le fonctionnement délicat.

Et pourtant, cet iconoclaste dans le domaine de la science exacte garde un procédé de mensuration et de contrôle matériel ; mais tout instinctif, il est vrai, et pour ainsi dire mystique déjà par son impalpable ténuité. Darwin, dit-il, a fait remarquer que le regard de l’éleveur de bestiaux qui a véritablement la vocation de son art, et qui développa par un exercice ininterrompu ses facultés innées en ce sens, que ce regard pénétrant découvre dans les animaux domestiques soumis à son examen des proportions que nul chiffre ne peut exprimer, et que les mots ne sauraient traduire. » Une foire normande offrirait en effet maint

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