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aussi prévenu en sa faveur que M. Chamberlain. Nous avons montré déjà, et nous montrerons davantage encore à quel point le livre que nous examinons reste sous l’influence du Monde comme Volonté pour toute sa partie religieuse. Jadis M. Chamberlain se donnait sans ambages pour un Schopenhauerien convaincu : il s’est récemment émancipé au moins en paroles vis-à-vis de cet inspirateur comme de plusieurs autres, car la préface de la troisième édition de son livre règle ses comptes avec Schopenhauer, Gobineau, Richard Wagner sur un ton assez dégagé ; mais il se croit plus indépendant de ses premiers maîtres qu’il ne l’est devenu en réalité. Il rejette, sans doute, l’esprit bouddhique, quiétiste, humanitaire qui florissait vers 1855, et fit le succès du Monde comme Volonté ; mais il a été devancé dans cette évolution, car l’heure fatidique de 1870 a sonné depuis lors pour l’Allemagne (et, par contre-coup, pour l’Angleterre, qui date de là son évolution impérialiste), apportant des perspectives d’avenir assez enivrantes pour réfuter le pessimisme de Gobineau comme celui de Schopenhauer, ces chefs de file des deux écoles aryanistes du temps présent. Le premier a vécu assez longtemps pour ébaucher parfois la correction de sa propre main ; le second n’a pas eu ce loisir, quoiqu’il espérât bien voir l’an 1891, lorsqu’il se plaisait sur le tard à fixer au nombre de cent le compte normal des années dévolues ici-bas au sage vainqueur de ses passions. Mais ses continuateurs ont élagué, développé, rectifié pour lui dans son œuvre, et à cette besogne s’est signalé la plus récente divinité du panthéon des Assises, Richard Wagner, qui nous amène au terme de cette trop aride revue philosophique.

Nous n’estimons pas en effet que M. Chamberlain soit fort redevable au maître de Bayreuth considéré comme penseur. À ce dernier titre, Wagner n’était pas assez riche en inspirations originales pour se montrer très prodigue de ses dons. Mais le biographe pénétrant du génial musicien lui doit autre chose que des idées : ce qu’il tient de lui, c’est une des révélations les plus efficaces de sa religion mystique, dont nous dirons les extases musicales.

Nous terminons donc, sur ce grand nom d’hier, l’examen historique des rudimens du germanisme psychique dans le passé. Le résultat de l’enquête n’a pas été comme parmi les enfans

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  1. Voyez dans les Bayreuther Blaetter, juin 1895, son étude sur la régénération dans Wagner.