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C’est ainsi que la Foi, comme éclôt une fleur,
Naquit en moi, candide, ingénue, instinctive,
Quand je balbutiais la prière naïve
Des tout petits : « Mon Dieu, je vous donne mon cœur ! »

Et quand dans ma couchette, enfant faible et malade,
Ma mère me voyait tendre, avec un soupir.
Mes deux mains vers Jésus, avant de m’endormir,
Pour l’embrasser ainsi qu’un petit camarade.



Un demi-siècle et plus a passé depuis lors.
Le vent des passions, partout où l’homme pèche,
M’emporta, me roula comme une feuille sèche,
Et je me suis cent fois souillé l’âme et le corps.

Mais, enfin, j’ai rougi de ce honteux délire,
J’ai rouvert le vieux livre où, montrant chaque mot,
Patiemment, avec son aiguille à tricot,
Ma mère, quand j’étais enfant, m’apprit à lire.

Je revins humblement au Dieu qui fut le sien.
Je retrouvai le pur trésor de ma croyance,
Et, maintenant, malgré plus d’une défaillance.
Je tâche de finir mon voyage en chrétien.

Hélas ! c’est un chemin où je trébuche et glisse,
Ployant sous le fardeau si lourd de mon passé.
Un sentier dans les monts, par la neige effacé,
Où j’ai souvent failli choir dans le précipice.

Mais, ce soir, écoutant les cloches bourdonner
Derrière les épais rideaux de ma fenêtre.
Je songe à la bonté du Dieu qui vient de naître
Et j’ai le ferme espoir qu’il veut me pardonner.