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REVUES ÉTRANGÈRES

L’AUTOBIOGRAPHIE D’UN OUVRIER ALLEMAND


Denkwürdigkeiten und Erinnerungen eines Arbeiters, par Karl Fischer, publié et précédé d’une introduction par Paul Gœhre ; un vol. in-18, Leipsig, librairie Diederichs, 1903.


Dans un village du duché d’Anhalt demeure, depuis plusieurs années, un vieil ouvrier saxon nommé Charles Fischer. Fils d’un maître boulanger, mais habitué dès l’enfance à la plus dure misère, il a fait, durant près d’un demi-siècle, toutes sortes d’humbles métiers, dans tous les coins de l’Allemagne, sans jamais parvenir à gagner plus de quelques sous par jour. Pas une fois, certainement, il n’a connu la satisfaction de posséder dans sa poche un peu d’argent disponible : trop heureux quand il pouvait du moins se procurer du travail, au lieu d’être réduit à mendier sur les routes ou à se faire emprisonner pour vagabondage. Ainsi il a peiné de son mieux, autant que sa bonne chance et ses forces le lui permettaient : mais un jour, il y a cinq ou six ans, les forces lui ont manqué tout à fait ; et comme sa vie errante ne lui donnait droit à aucune pension de retraite. Dieu sait ce qui serait advenu de lui si de pauvres paysans du duché d’Anhalt, ses cousins, n’avaient eu la charité de le prendre chez eux. C’est là que depuis lors il vit, fatigué et malade, sans autre pensée que l’attente du repos final. Chrétien zélé et fidèle patriote, il est cependant toujours resté indifférent aussi bien aux luttes politiques qu’aux problèmes religieux. Il n’est ni luthérien, ni membre d’aucune église libre, ni socialiste, ni conservateur, n’ayant jamais eu le loisir de se faire une opinion sur des sujets par trop éloignés de ses préoccupations quotidiennes. Le cours du monde, non plus, ne l’intéresse guère. Il n’a lu,