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Il y eut donc une panique navale, d’où jaillit un premier effort, sorte d’essai préalable, qui conduisit à l’adoption, cinq années plus tard (1889), du Naval Defence Act, point de départ du rajeunissement ou mieux de la transformation complète de la marine britannique. Il était temps pour l’Angleterre de se mettre à l’œuvre, car dans la courte période des quinze dernières années (1889-1903), la France, la Russie et l’Allemagne se sont aussi donné le luxe de rajeunir entièrement leurs flottes, et dans le même temps, le Japon et les États-Unis ont improvisé des forces navales qui font déjà fort belle figure sur les mers et constituent, comme le prouvent les événemens actuels et les péripéties de la crise russo-japonaise, de très importans facteurs diplomatiques


I

A la fin des guerres de l’Empire, la Grande-Bretagne put croire qu’elle possédait une prééminence, garantie pour longtemps contre toute compétition, sur les mers d’Europe et sur l’Atlantique. Rien ne laissait présager les faits nouveaux qui allaient en si peu de temps frapper de mort les élémens matériels sur lesquels était fondée depuis des siècles la force navale. Comme au temps où les aventuriers se lancèrent à la découverte des nouveaux mondes, on construisait encore les vaisseaux de guerre en bois, et ces vaisseaux étaient toujours mus par la voile et armés de canons à âme lisse. Le seul progrès avait été l’entassement sur les vaisseaux d’un nombre toujours croissant de pièces, dont les projectiles n’étaient formidables qu’à la condition d’être lancés à bout portant. Toute la tactique consistait à disposer les navires dans un ordre leur permettant d’accabler les bâtimens ennemis de bordées meurtrières. La marine royale venait de subir, au cours de la guerre de 1812 avec les États-Unis, quelques surprises fâcheuses, qui attirèrent l’attention sur l’importance des exercices d’artillerie. Mais la leçon fut vite oubliée.

A partir de 1837, l’évolution commence. Le bois fait place au fer, puis à l’acier, la voile à la rame, puis à l’hélice, le canon à âme lisse au canon rayé, la pièce-bouche à la pièce se chargeant par la culasse et à tir rapide.

L’application de la vapeur à la propulsion des navires