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VI

En septembre 1898, l’Angleterre et la France éprouvèrent la grande émotion de la rencontre sur les bords du Nil du général Kitchener et du capitaine Marchand. Pendant plusieurs semaines, à Fachoda, le drapeau anglais resta déployé à cinq cents mètres des drapeaux égyptiens et français. Notre ministre de la marine, M. Lockroy, dépensa une activité fébrile pour l’armement de nos côtes. En Grande-Bretagne les forces navales furent mobilisées, et M. Goschen organisa en hâte une nouvelle escadre, l’escadre volante (flying). Des deux côtés de la Manche, il y eut un moment de palpitante émotion patriotique. Puis la raison fit entendre sa voix. Le cabinet Dupuy, formé le 1er novembre 1898, décida, le 5, de ne pas maintenir à Fachoda la mission Marchand. La place fut évacuée le 11 décembre. L’escadre volante fut disloquée.

Sous le coup de ces événemens, le budget de la marine britannique, pour 1899-1900, fut porté à 26 millions et demi de livres sterling (665 millions de francs, sans les crédits des Naval works). C’était, sur 1898-1899, une augmentation de 70 millions de francs. L’année suivante (mars 1900), soit que M. Goschen n’éprouvât plus au même degré les alarmes patriotiques qui l’avaient agité précédemment, soit que, pour des raisons politiques, il eût résolu de tenir un langage plus confiant, le budget de 1900-1901, en augmentation de 25 millions de francs seulement sur le précédent, fut présenté de façon à convaincre la nation anglaise, et même les protagonistes de la ligne navale, que la situation de la marine était satisfaisante, en soi et par comparaison avec le dehors, que les sommes considérables accordées chaque année par le Parlement, presque sans débat, avaient été utilement dépensées, que la force de l’Empire en avait reçu un accroissement tel qu’il était possible désormais de suivre avec une attention moins nerveuse, bien que toujours aussi éveillée, la continuation des efforts des autres puissances vers l’augmentation de leurs forces maritimes.

Aussi bien était-il opportun de tenir ce langage à une nation qui avait subi coup sur coup l’humiliation de défaites presque incroyables sur la terre sud-africaine. Cruellement déçu dans les espérances qu’il avait fondées sur son armée, ce peuple