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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/570

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parades ou carrousels sur la Place de la Résidence, promenades du bon archevêque à travers sa ville, parfois à pied ou porté dans sa chaise, avec une parole affectueuse pour chaque passant, parfois dans un admirable carrosse tout sculpté et doré. C’étaient, presque tous les jours, les magnifiques cérémonies de la cathédrale, des processions où figuraient tous les corps de métier avec leurs insignes, des offices où le prince, servi par cinq prélats et entouré d’un innombrable clergé, bénissait la foule dans des nuages d’encens. Le cœur du bambin s’y pénétrait, pour toujours, de cette piété à la fois intime et somptueuse qu’il allait exprimer bientôt en des chants immortels : mais, à ce moment, sans doute, ses yeux ravis y trouvaient leur compte autant que son cœur. Ils trouvaient également leur compte aux fêtes de l’Hôtel de Ville où, indépendamment des grandes redoutes du Carnaval, l’usage était que chaque couple de nouveaux mariés vînt danser le menuet au sortir de l’église. Et les représentations en plein air du Manège d’Eté ! Acrobates, danseurs de corde, montreurs d’ours, comédiens ambulans, prenaient possession tour à tour de ce cirque sans pareil ; et les trois longues rangées de galeries, creusées à même dans le roc du Mœnchsberg, souvent ne suffisaient pas à contenir la masse des curieux. Mais il y avait, aux portes de la ville, un endroit bien plus merveilleux encore, et que le petit Wolfgang Mozart a dû aimer entre tous, car nous savons que la profonde impression qu’il en a ressentie ne s’est jamais effacée de son souvenir : c’était le château d’Hellbrunn avec son jardin, un véritable jardin des Mille et une Nuits. Ah ! ce jardin d’Hellbrunn, les plus graves bourgeois redevenaient enfans dès qu’ils y entraient ! On s’asseyait sur des tabourets de pierre, autour d’une table : et voilà que, des tabourets, de la table, de chaque coin du sol, jaillissaient des jets d’eau ! On s’arrêtait devant une belle porte en rocaille, aux deux côtés de laquelle étaient sculptées des têtes de cerfs : et soudain la porte se transformait en une fontaine, et l’eau coulait de la bouche des cerfs, de leurs cornes ; et, de toutes parts, à l’entour, surgissait une muraille d’eau, de telle sorte que les imprudens visiteurs n’avaient le choix qu’entre la douche et le bain. Ailleurs, l’eau soulevait une couronne, se diaprait des nuances de l’arc-en-ciel, imitait, dans une grotte, le chant des oiseaux. Et tout cela n’était rien en comparaison du nouveau prodige que venait enfin d’achever (1752), après des années, de patient travail, un paysan