Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/708

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la pauvreté d’esprit de la politique actuelle. Peut-être voulaient-ils seulement être ministres. C’est affaire à leurs consciences : leurs actes seuls nous intéressent et relèvent de notre jugement.

Le centre progressiste a donc abandonné, au moins pour un temps, la direction des opérations aux dissidens de la majorité. Il les a soutenus de ses votes, c’est-à-dire matériellement, tout en réservant l’appui moral de sa confiance à d’autres combattans. Ce n’est pas, en effet, au nom des principes libéraux que les dissidens ont levé ce qu’on peut appeler l’étendard de la révolte. Le premier dans l’ordre chronologique a été M. Caillaux. Nous en parlions déjà il y a quinze jours, et nous faisions prévoir le succès de sa manœuvre qui était ingénieuse, sans en exagérer la portée réelle. M. Caillaux répétait avec affectation que la politique de M. Combes était la sienne et qu’il jugeait excellente la suppression de toutes les congrégations enseignantes en attendant le tour des autres : sa seule crainte était que les budgets communaux ne fussent mis à une trop rude épreuve si on procédait précipitamment à des exécutions d’ailleurs nécessaires. Cinq années étaient à ses yeux un délai maximum trop court pour achever cette grande œuvre : il lui en fallait dix. Il restait convenu que, si on avait l’argent avant dix ans, et même avant cinq, on n’attendrait pas une minute de plus pour procéder à la clôture des écoles congréganistes et à la dissolution de la congrégation. Or, M. Combes assurait que l’argent ne ferait pas défaut, ce qui lui permettait d’attacher peu d’importance à l’amendement de M. Caillaux et de le laisser passer. Il aurait mieux aimé que la Chambre ne le votât pas ; il « se résignait » à ce qu’elle le fît. L’amendement a été voté à dix voix de majorité. Nous en sommes enchanté, mais cela ne changera pas grand’chose à l’affaire. L’opposition de M. Caillaux, timide et en quelque sorte indirecte, ne procédait d’aucun principe. C’était un minimum d’opposition. Elle a servi toutefois à tâter le terrain, à permettre aux deux armées de s’y déployer sous des étendards d’autant plus commodes qu’ils n’avaient par eux-mêmes aucune signification, et de leur donner l’occasion de se compter. Prendre nettement parti contre le ministère sans être absolument sûr de le renverser, c’était plus que M. Caillaux ne pouvait attendre de la vaillance de ses troupes, et la sienne même, peut-être, aurait hésité devant une démarche aussi radicale. Mais se compter sur peu de chose, presque sur rien du tout, avec la demi-tolérance du gouvernement, constituait une expérience sans grand péril, et devenait dès lors une tentation à laquelle on pouvait se laisser aller. M. Caillaux connaissait son monde. Le résultat a été ce