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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/709

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que nous avons dit : le gouvernement ne s’en est pas cru gravement atteint, mais l’opposition nouvelle qui tendait à se former s’en est sentie encouragée.

Si nous suivions l’ordre chronologique, il faudrait parler ici de la tentative de M. Millerand, la plus sérieuse de toutes par la brusque impétuosité de l’attaque et par les conséquences ultérieures qui peuvent en résulter : mais, précisément pour tous ces motifs, mieux vaut d’abord liquider ce que nous avons à dire de l’amendement de M. Georges Leygues. Cet amendement a une portée plus haute que celui de M. Caillaux, et si M. Leygues avait pleinement réalisé son dessein, il faudrait s’en féliciter et l’en féliciter. Nous avons par malheur quelques doutes à cet égard : on verra dans un moment pourquoi.

M. Leygues a eu une pensée juste, qui lui a été inspirée par un sentiment patriotique. Il ne conteste pas plus que M. Caillaux le principe de la : loi. Qu’on traque les congrégations et qu’on les dissolve en France de manière qu’il n’en reste plus trace sur le territoire métropolitain, il y applaudit des deux mains. Seulement il estime qu’il ne faut pas étendre cette guerre aux colonies, ni la poursuivre en pays étranger, c’est-à-dire en Orient où nos écoles sont l’instrument de notre influence. Or ces écoles sont le plus généralement congréganistes. Il y a bien quelques écoles laïques, mais elles coûtent beaucoup plus cher que les autres et comprennent infiniment moins d’enfans. Les écoles laïques d’Orient ont 2 000 enfans et les écoles congréganistes plus de 100 000. Voilà le fait, on ne saurait y rien changer, ou du moins on ne pourrait y réussir qu’avec du temps et de l’argent. Dans nos colonies, la situation est le plus souvent la même. On a surtout parlé de Madagascar à la Chambre. Avant que nous ayons établi sur la grande île, d’abord notre protectorat, ensuite notre domination, l’enseignement y était donné d’une manière exclusive par des religieux français et par des pasteurs protestans : ces derniers étaient surtout anglais et norvégiens. Les Anglais travaillaient naturellement pour leur pays : il serait puéril de leur en faire un reproche. Les Norvégiens m’avaient pas de préoccupations politiques du même genre, mais l’analogie confessionnelle les rapprochait des Anglais, bien qu’ils n’aient jamais éprouvé aucun sentiment d’hostilité à notre égard, et que, de notre côté, nous n’ayons jamais eu à nous plaindre d’eux. On sait que des protestans français, dans un sentiment patriotique auquel il convient de rendre pleine justice, ont créé quelques écoles destinées à faire concurrence à celles des Anglais et des Norvégiens. Enfin le général Gallieni a créé un certain nombre d’écoles laïques dont il