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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 20.djvu/825

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l’amérique française

sut rendre aux Louisianais. Tous trois étaient fils d’un Français établi au Canada, Charles Le Moyne de Longueil, lequel eut quatorze enfans, dont la plupart s’illustrèrent en Amérique au service de la France. L’un de ses gendres, Noyan, accompagnait son beau-frère Iberville lorsque celui-ci débarqua à l’embouchure du Mississipi : soixante-dix ans plus tard, le petit-fils de ce Noyan devait périr à la Nouvelle-Orléans sous les balles d’O’Reilly, comme coupable d’avoir voulu ravir la Louisiane à l’Espagne, afin qu’elle redevînt française malgré la France. Qui nous donnera la monographie de cette robuste famille, telle qu’une douzaine du même genre suffirait pour placer leur patrie à la tête des nations ?

Et, pour finir, à côté du charpentier Penicaut, qui a conté avec une jovialité si française comment il apprenait aux Indiens à danser le menuet et aux jeunes sauvagesses à prononcer notre langue, il convient de placer la curieuse figure de l’abbé Picquet, ce missionnaire sulpicien dont l’énorme influence s’étendait de Québec aux Illinois : prêtre politique, patriote et belliqueux, qui seul savait discipliner les Peaux-Rouges et obtenir d’eux un semblant de tactique. Fondateur de missions et destructeur de redoutes, il faisait alterner l’assaut et la prière, et quand, après la capitulation de Montréal, pour ne point voir son cher Canada aux mains des Anglais, il se retira, avec vingt-cinq Français, vers l’intérieur, de tribus en tribus, une escorte imposante d’indigènes protégea sa triomphale retraite.

Ces quelques noms, parmi tant d’autres qui mériteraient d’être cités, expliquent assez quelles furent, là-bas, les causes de notre prestige.

iv

Quelles vues Napoléon Bonaparte avait-il sur la Louisiane ? C’est une question qu’on s’est posée du jour où l’on a su que le Premier Consul ne s’était point fait céder cette colonie par l’Espagne avec l’arrière-pensée de la revendre aux États-Unis. Peu enclins à lui supposer des visées coloniales, ses historiens n’ont en général prêté aucune attention à cet incident, non plus qu’à celui de la Plata, moins connu encore. Bien qu’il se soit abondamment pourvu de documens sur cette portion de son sujet, M. de Villiers n’a pu l’éclairer que d’une façon incomplète. Très pro-