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les fonctions consulaires dans les États barbaresques, les Lazaristes avaient préparé les indigènes d’Algérie à accepter la domination, et ceux de Tunis, à accepter le protectorat de la France[1]. Faut-il rappeler qu’ils furent les premiers, avec des marins huguenots, à planter le drapeau de la France près de Fort-Dauphin et qu’ils arrosèrent de leur sang cette terre de Madagascar ? Faut-il énumérer les services qu’ils rendent aux Antilles, en Chine, en Indo-Chine et à la Nouvelle-Calédonie, comme prêtres coloniaux, aumôniers du pénitencier, et enfin missionnaires auprès des Canaques ? Je signalerai, surtout, leur ministère au Tonkin, où, tout en prêchant l’Evangile aux bouddhistes, ils ont réussi à resserrer les liens qui unissent les Annamites à la France. Ce fait nous a été attesté par un médecin de marine protestant, M. W. de la Quesnerie, mort en 1901, qui avait plusieurs fois résidé dans l’Annam et vu à l’œuvre Mgr Puginier. Et, si cela ne suffisait pas, voici le témoignage d’un autre écrivain militaire : « Le changement de religion, a écrit M. L. de Grandmaison, est le plus important des facteurs de transformation sociale. Un indigène converti par des missionnaires français est aux trois quarts Français, car il a donné à notre civilisation le gage le plus profond d’attachement qui existe. » Ces deux témoins laïques donnent un grand poids à l’assertion de Mgr Puginier, dont Paul Bert, comme gouverneur général, put apprécier le concours dévoué : « Tout païen qui se fait chrétien, a-t-il dit, devient en même temps un ami de la France. Il suit de là que, plus le nombre de chrétiens annamites augmentera, plus la France comptera d’amis dans ce pays. Le nombre des adversaires diminuera dans la même proportion et les révoltes contre notre protectorat ne seront plus à redouter. On ne soupçonne pas l’influence bienfaisante exercée par quelques poignées de chrétiens, perdus au milieu des païens comme des sentinelles avancées. Ils parlent en bonne part de la France et détruisent une foule de préjugés. »

Qui dira les bénédictions qu’a values au nom de la France le dévouement de nos Sœurs de Charité, soit dans les orphelinats et pensionnats de jeunes filles à Constantinople, à Beyrouth et à Alexandrie, soit dans les hôpitaux d’Egypte ou de Syrie ? Les Sœurs Franciscaines à l’île Molokaï et en Chine, les Sœurs Blanches en Afrique, les Sœurs de Saint-Joseph de Cluny en

  1. Voyez l’article sur les Précurseurs du cardinal Lavigerie, dans la Revue des Deux Mondes du 1er août 1896.