donnait un peu de repos à ses membres chétifs. « Modica membra, » dit l’inscription latine, et de ces deux mots le français ne peut rendre la mélancolie et la débilité.
Une chapelle voisine renferme la table antique où le Pontife aimait à rassembler douze pauvres et à les servir. Un jour, un treizième convive, un ange, y vint s’asseoir. L’ange a disparu, mais des pauvres sont encore là, couchés parmi les herbes. Heureusement les architectes et les savans ont épargné jusqu’ici le Cœlius. Il n’a souffert ni de l’édilité, ni de l’archéologie. Encadrés dans la baie centrale du portique, les deux palmiers de saint Bonaventure ajoutent leur grâce d’Orient au paysage latin. La lumière et le silence enveloppent les jardins, les vignes, les vergers, et sur la colline exquise, demeurée purement romaine, on s’attend avoir revenir l’ombre du grand Romain.
L’Aventin est également resté digne de lui. Le collège de Saint-Anselme, qu’y ont élevé les bénédictins, est peut-être le seul édifice moderne qui ne déshonore pas les horizons de Rome. Il les regarde, il les domine, et, loin de les contredire, il s’accorde avec eux. Ici tout est grégorien : non seulement, comme au Cœlius, le paysage : mais l’esprit, le travail, les offices et les chants. Le dimanche de Pâques, à l’heure où descend le soleil, nous entrâmes dans l’église. Elle est belle, simple et forte, nue sans froideur et brillante sans ornemens. Elle a, comme les vieilles basiliques dont elle est imitée, un double rang de colonnes, un plafond à poutres qui se croisent, un maître autel surmonté par un de ces tabernacles de marbre, aux lignes droites et pures, dont les baldaquins de style baroque ne sont que la caricature et comme la contorsion.
Les moines chantèrent les vêpres de Pâques, puis le salut, et le charme d’un chant que depuis longtemps nous n’avions pas entendu ne tarda guère à nous reprendre. Comme il glissait, comme il se répandait égal et doux, le chant grégorien, le « plain-chant, » sur les surfaces planes et sur les marbres polis, sans compter qu’à la sobriété de leur musique, les bénédictins savent assortir le reste du cérémonial sacré ! Des deux côtés de l’autel, ils n’avaient disposé que peu de cierges et quelques gerbes légères ; mais l’ordonnance en était harmonieuse et des rapports subtils unissaient les lignes sonores avec les lignes de flamme et les lignes de fleurs.
L’office prit peu de temps et fit peu de bruit. Le Bella premunt hostilia de l’O Salutaris ne déchaîna pas les fureurs militaires par où, dans les paroisses parisiennes, aux jours de fête, ces trois mots ont coutume de se signaler. Le Tantum ergo ne fut que celui de la liturgie,