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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/253

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une réponse du Roi. Quant à la question romaine, Goltz s’expliquerait avec l’Empereur.

Les explications qu’il fit transmettre à Paris furent plus accentuées que les objections de Thile : il désirait s’entendre avec la France, mais ce n’était pas un simple appui moral qu’on demandait à la Prusse, c’était un appui matériel, et il serait difficile de l’accorder. Le Roi devait se préoccuper non seulement des catholiques ses sujets, mais aussi de ceux de l’Allemagne et ne pas oublier les vingt millions de protestans de la Confédération du Nord, qui ne se pénétreraient pas facilement de la nécessité de consacrer leurs forces à défendre le pouvoir temporel. Les dispositions bienveillantes pour le Pape ne sauraient non plus aller jusqu’à faire méconnaître les intérêts qui unissent la Prusse à l’Italie, laquelle interpréterait certainement dans un sens hostile la garantie de la souveraineté pontificale. Nous sommes prêts à interposer nos bons offices pourvu qu’on nous indique préalablement pourquoi et au profit de quelles idées. « Car il serait peu conforme à la dignité des deux puissances d’appuyer à Rome et à Florence des propositions dont l’acceptation serait douteuse[1]. »

Malgré ses instances Benedetti n’obtint plus de nouvel entretien de Bismarck. Celui-ci lui fit répondre par Thile « que les préparatifs pour les conférences avec les délégués de l’Allemagne du Nord l’absorbaient et l’obligeaient cette fois encore à compter sur l’indulgence de Son Excellence[2]. »

Benedetti commence à comprendre qu’on le berne[3]. « J’incline à croire, écrit-il, que M. de Bismarck n’attache pas ou n’est pas en situation d’attacher le prix que nous y mettons nous-mêmes à l’accord que nous lui avons proposé. On déploie, pendant qu’on s’attarde volontairement avec nous, une activité merveilleuse pour se constituer sous tous les rapports et on semble ainsi se mettre en mesure de faire face à toutes les éventualités, sinon de nous éconduire quand on croira pouvoir le faire avec moins de danger qu’en ce moment. »

Cependant le hasard le mit, dans la rue, le 19 décembre, en présence de Bismarck qui faisait une promenade hygiénique. Ils s’abordèrent, Bismarck très courtois, Benedetti très crêté.

  1. Bismarck à Goltz, 6 décembre 1866.
  2. Thile à Benedetti, 13 décembre 1866.
  3. Lettre particulière à Moustier, du 14 décembre 1866.