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Tout était donc bien préparé. Il ne restait qu’à enlever promptement la volonté du roi de Hollande.

La reine Sophie, princesse de Wurtemberg, femme d’une haute intelligence et d’un cœur chaud, très attachée à la dynastie impériale, qui avait vu, avec une appréhension désespérée, l’immobilité de la France et son abandon de l’Autriche après Sadowa, était, avec son fils le prince d’Orange, le centre d’un parti français tout disposé à seconder nos désirs ; mais il y avait aussi à la Cour un parti allemand puissant, conduit par le frère du Roi, le prince Henri, et sa femme, princesse allemande de la maison de Weimar. Le Roi, pauvre homme sans résistance et sans résolution, oscillait entre ces deux influences, attiré vers la France par la sympathie et rejeté vers la Prusse par la crainte. L’opinion publique hollandaise, indifférente, eût considéré volontiers le Luxembourg comme une gêne dont elle ne demandait pas mieux que d’être débarrassée ; les ministres qui pensaient de même ne s’offusquaient pas des ouvertures de Baudin ; le ministre de Luxembourg Tornaco les approuvait. Le Roi fut le moins commode. Quand Baudin se présenta officiellement à son audience (18 mars), et « l’oraison convenue débitée, lui proposa de nous céder le Luxembourg moyennant une indemnité de 4 à 5 millions, » il refusa : il ne voulait prendre aucun engagement avant que la population luxembourgeoise, les puissances signataires du traité de Londres, et surtout la Prusse n’eussent donné leur consentement, et il ne promettait pas de leur garder le secret. Baudin insiste ; tout ce qu’il obtient, c’est : « Je ne dis pas non, mais je me réserve la faculté de décider après y avoir réfléchi. »

Il voulait attendre le résultat des débats commencés au Corps législatif français sur les événemens de Sadowa. Cela lui permettrait de se rendre mieux compte des relations de la Prusse et de la France et de se porter du côté où il trouverait le plus de sécurité.


VIII

Ces débats furent en effet d’une importance capitale. Le lendemain du discours de Rouher sur les trois tronçons, Bismarck fit insérer dans son journal officiel le texte même des traités d’alliance révélés à Benedetti et que le ministre d’Etat n’avait