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À ce point de vue surtout, malheureusement, les inquiétudes sont permises. Pour la première fois, il y a deux ans, on a dû signaler à la commission du budget ce que le rapporteur n’a pas craint d’appeler une véritable crise des effectifs, et ce qui nous apparaît même comme une crise plus générale et plus grave encore. C’est qu’en effet le nombre des naissances dans notre pays diminue, nous l’avons vu plus haut, d’une façon réellement impressionnante, et, avec le nombre des naissances, naturellement, le nombre des hommes de vingt ans qui forment les contingens annuels et, aussitôt après, les effectifs.

Il y a donc une crise. Mais il ne paraît pas qu’elle puisse être seulement appelée et définie : une crise des effectifs. Ce qu’il y a, c’est une crise vitale et qui affecte tout d’abord notre natalité. Il convient donc d’envisager d’abord le désastre qu’elle annonce, et de juger de la répercussion qu’il peut avoir sur les contingens d’abord, puis sur les effectifs.

La diminution des naissances est à elle seule décisive, et, plus que toute autre considération, elle militerait en faveur d’une modification de la loi militaire, si on pouvait lui reprocher, soit d’influer sur le nombre des naissances par les entraves qu’elle apporte aux mariages précoces, qui sont les plus féconds et donnent les enfans les plus vigoureux ; soit de retarder l’âge où l’homme pourra s’établir, et gagner facilement sa vie, c’est-à- dire l’époque propice à la fondation d’une famille.

Il ne paraît pas cependant que ces causes aient une action prépondérante sur l’affaiblissement de notre natalité, car l’origine de la crise des naissances remonte à peu près à la période économique favorable, dotée du système militaire très différent, qui a marqué les débuts du second Empire, et dans lequel l’armée de métier ou prétorienne, suivant le jargon du jour, était distincte de la nation et ne pesait pas sur sa natalité. Pour les mêmes raisons, il n’est pas possible d’apprécier si le second ordre de considérations auquel nous faisons allusion exercera son influence sur une crise qui existait avant le régime militaire actuel.

Quoi qu’il en soit, les naissances masculines françaises, au nombre de 520 000 environ, en 1859, ont été, en 1899, c’est-à-dire quarante ans après, ramenées progressivement, par une diminution constante, au chiffre approximatif de 430 000, C’est, nous l’avons dit, une diminution d’un cinquième en quarante ans. Cela constitue un phénomène terrifiant, et sans analogue depuis