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nous dotèrent de l’organisation allemande, analogue à celle qui existait outre-Rhin avant 1870, mais sans les réformes que les Allemands avaient introduites en 1873 et 1875, c’est-à-dire : « la permanence des effectifs » dans les unités du temps de paix, et la séparation du « combattant » et du « non-combattant, » comme base de la loi de recrutement.

Ce fut ce qu’on appela, d’un euphémisme, le service à court terme ou de trois ans.

Aujourd’hui, les causes sociales, constamment agissantes et qui font, même du service de trois ans, un fardeau un peu lourd pour les épaules françaises, l’expérience aussi d’une organisation qui a laissé voir ses imperfections et ses lacunes, suscitent un mouvement d’opinion. L’opinion se prononce en faveur d’une meilleure répartition du contingent et d’une réduction du temps de service adoptée d’une manière toute relative, dès 1893, par les Allemands ; en même temps que les militaires de profession, frappés des inconvéniens que présente le système actuel, au point de vue de la guerre, concourent d’autre part à cet état d’esprit en réclamant, eux aussi, une réduction du service militaire ; mais sous bénéfice de l’adoption préalable des réformes négligées jusqu’à ce jour, c’est-à-dire de mesures tendant à organiser fortement les encadremens, et à améliorer les conditions de l’instruction.

L’évolution passée de nos organisations militaires marque donc nettement le sens de l’évolution future vers laquelle le projet de loi nous dirige.

Malheureusement, comme nous l’avons vu, en le présentant isolé, sans la loi d’organisation militaire dont il devrait être la conclusion, non le préambule, on le rend plus dangereux qu’utile, et il ne peut, dans ces conditions, que compromettre une réforme que tout Français eût pu accepter.

Aujourd’hui, il est sans doute trop tard ; mais, même en admettant que la question soit déjà trop mûre pour qu’on s’attarde à un examen d’ensemble, il est au moins possible, et il demeure indispensable, d’agir avec méthode.

Il faut d’abord réaliser, dans la loi présente, les réformes que, depuis 1870, les Allemands ont réalisées dans le leur ; et cela, il faut le faire nettement et sans retard. Le projet actuel vise, il faut le reconnaître, ce desideratum, mais il le vise d’une façon vague : ses effectifs ne seront pas réellement permanens