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domine le magnifique amphithéâtre de collines fleuries dont les flancs sont couverts d’oliviers et les sommets nus couronnés de forteresses. Cachée dans le creux du plus profond des golfes que la Méditerranée projette dans l’intérieur du continent, sans être enfermée comme Trieste au fond d’une mer à demi fermée, la Janua du moyen âge regarde à la fois vers la mer, la grande route qui mène partout, et vers la terre, vers cet hinterland continental dont le col de Giovi, taillé dans le bourrelet de l’Apennin, semble ouvrir la route aux entreprises des Ligures. De tout temps, aventureuse, énergique et âpre, cette race ligure a fait d’excellens marins, des hommes d’affaires encore meilleurs. Depuis les temps romains, où l’antique Antium était déjà un centre industriel et commercial, le commerce des mers n’a cessé d’être sa grande occupation, à travers toutes les vicissitudes de l’histoire et les luttes intestines que provoquait son exubérance d’activité. S’enrichir, près ou loin, bien ou mal, a toujours été sa pensée maîtresse : son affaire, ce sont les affaires. En un temps où les États naissaient à peine, ses citoyens déjà couraient le monde, pour gaigner. Ils font les Croisades, mais en marchands, pour ouvrir l’Orient à leur commerce. Ils prennent la Sardaigne et la Corse, gagnent des places en Espagne et des privilèges au Maroc, ils s’installent en maîtres à Constantinople, et de là dans les Iles grecques, sur les côtes de la Mer-Noire, jusqu’en Crimée, en Colchide et à Trébizonde. Le XIVe siècle marque l’apogée de la puissance de Gênes la Superbe : mais sa richesse survit à sa puissance, grâce surtout à cette fameuse Banque de Saint-Georges qu’avait fondée un Français, le maréchal Jean Lemaigre de Boucicault, — Bacicaldo, disent les Italiens, — gouverneur de Gênes sous Charles VI. Véritable État dans l’État, elle règne au-dessus des partis, accapare tout le commerce génois, elle survit aux guerres, aux conjurations, au bombardement de Gênes par Seignelay en 1685, au pillage des Autrichiens, qui, en 1746, maîtres de la ville, saccagent son palais, le célèbre palais Saint-Georges, et font main basse sur les trésors cachés dans ce qu’elle appelait d’un mot significatif sa « Sacristie ; » elle vient enfin mourir de vieillesse au bord du XIXe siècle, sous le même régime qui l’avait vue naître, celui de la France, et à la veille du jour où la République génoise allait s’unir au royaume sarde.

Sarde, puis italien, le nouveau gouvernement ne s’inquiéta guère des intérêts du grand port ligure, et celui-ci même ne