jeune fille en pareil cas et avec ce caractère devait sentir, parler et agir. Les a-t-elle idéalisées ? C’était son droit, et, femme, elle ne devait pas trahir la cause des femmes. Valentine, Edmée, Consuelo, Marie, Fadette, Caroline de Saint-Geneix et tant d’autres, si nobles et si gracieuses, si énergiques et si douces, c’est l’honneur de George Sand d’avoir évoqué, pour nous en entourer, ces figures exquises devenues les compagnes de notre imagination.
Toutes ces jeunes filles se ressemblent par un trait de caractère qui leur est commun : la bonté. C’est, à n’en pas douter, un des traits qui appartiennent — ou si l’on préfère, c’est un de ceux qui conviennent le mieux — à la nature féminine. C’est aussi bien un des traits caractéristiques de la physionomie littéraire de George Sand ; et c’est par-là encore qu’elle est femme. Il se peut qu’au temps de ses débuts et dans le premier enivrement de la jeunesse, elle ait fait prédominer le point de vue personnel. Ç’a été une crise dont elle s’est bien vite dégagée ; et elle n’a plus fait place dans son cœur qu’à l’affection, à la tendresse, au besoin de protection maternelle, à l’indulgence, au pardon, à la pitié. Sur ce point encore il sera intéressant de l’entendre s’expliquer librement avec sa fille, marquer elle-même le progrès qui s’est fait en elle et définir en termes d’une gravité remarquable la conviction où elle s’est arrêtée :
Sonde ton propre cœur et vois si tu n’y trouves pas un grand fond de personnalité. Je l’ai dit quelque part, et c’est vrai parce que je l’ai dit en me rappelant ma propre jeunesse : La jeunesse est l’âge de la personnalité. Elle prend son besoin de bonheur pour un droit, elle exige beaucoup des autres et de la société, qui est mauvaise, et des hommes, qui ne sont pas bien bons. Elle veut que tout lui cède, et, comme tout lui résiste, elle s’irrite et se désole. On résiste à beaucoup de chagrins, mon enfant, on est plus fort qu’on ne s’imagine, et qu’on ne voudrait peut-être, et chaque douleur a cela de bon, du moins, qu’elle nous rend plus indulgens pour l’avenir. L’expérience n’est qu’une suite de larmes. Cela ne sera pas autrement pour toi que pour les autres. Le refuge, c’est le devoir en effet : le devoir qui est difficile à définir, j’en conviens, puisqu’il est si varié suivant les situations. Mais il se résume par un mot cependant : être généreux et bon, ne rien faire par amour de soi, par crainte de souffrir, ou par désir d’être heureux, mais tout Taire par équité, par indulgence, par grandeur d’âme. Je suis sortie de toutes mes peines, pas subitement, mais peu à peu, en me demandant bien où était le vrai malheureux ou la vraie malheureuse dans les ruptures de l’affection. Je me suis dit, j’ai reconnu que c’était le coupable. Eh bien ! quand on n’est pas le coupable, on reprend sa force, son équilibre, et l’on vit pour souffrir encore sans honte et sans remords. Examine-toi, ma chère enfant, et si ta conscience te reproche quelque chose à l’endroit de l’affection, avoue-le aux amis que tu regrettes et fais-le-leur oublier. S’ils sont