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Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/952

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où personne, avant l’audacieux héros de M. Mallock, n’avait eu l’idée de voir une explication du passage de la vie physiologique à la vie mentale. Pareillement la découverte du radium, d’après Rupert Glanville, est venue combler une autre des lacunes de la synthèse évolutionniste : c’est encore, suivant son expression, un « nouveau tunnel que la science a fort heureusement réussi à creuser. » Car le radium nous apprend que « la distinction naguère établie par les biologistes entre la matière vivante et la matière soi-disant morte n’est, en fin de compte, qu’une fausse distinction ; la nature entière nous apparaissant désormais comme une manifestation de la vie. »

Il n’est point d’hypothèse si hasardée d’un anthropologiste ou d’un sociologue évolutionniste que Rupert Glanville ne la prenne aussitôt pour argent comptant : et c’est ce qui explique, sans doute, les protestations qu’a soulevées, parmi le monde religieux anglais, la publication, dans la Monthly Review, de plusieurs chapitres du roman de M. Mallock. Mais celui-ci nous dit lui-même, dans la préface de son livre, que le lecteur « fera bien de considérer le caractère des personnages » qu’il a mis en scène, ’avant de se scandaliser des opinions qu’il leur a prêtées. Pourquoi faut-il seulement que, ayant à exprimer lui-même son opinion propre, il n’ait point préféré choisir, pour nous la présenter, un personnage d’une compétence philosophique plus sérieuse, plus mesuré dans ses certitudes comme dans ses doutes, et, surtout, moins constamment préoccupé de trop facile hardiesse dans ses paradoxes ?


T. DE WYZEWA.