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argileux, le khamsin apporte du désert des nuages de sable qui saupoudrent le sol et lui fournissent, en outre des substances utiles, un état physique particulier auquel se rattache un degré de perméabilité dont la valeur est décisive sur la production agricole.

Tout le monde sait comment cette alternance de lits argileux d’origine fluviaire et de dépôts arénacés de production atmosphérique, en donnant au terrain une structure feuilletée des plus caractéristiques, en fait un témoignage éloquent de la longue période depuis laquelle l’état météorologique actuel persiste en Égypte. Les archéologues, Linant, Mariette, et d’autres, ont trouvé, dans l’épaisseur de la formation mixte, des vestiges de fabrication humaine qu’ils datent à plus de trente mille ans ; la régularité de la structure du sol permet d’affirmer que, pendant tout ce temps, l’alternance de saisons identiques à celles d’aujourd’hui s’est continuée sans altération : ces trente mille ans sont donc compris dans la minute actuelle de l’évolution terrestre.

Ajoutons que ce n’est pas, et à beaucoup près, la seule occasion où la sédimentation éolienne ait contact avec la chronologie terrestre, car elle fournit des preuves bien précieuses de l’uniformité de régime et de manière d’être de l’atmosphère depuis les temps sédimentaires les plus reculés. De curieux échantillons nous fournissent des notions palpables de l’état de l’Océan aérien lors d’époques géologiques fort anciennes, et c’est au mécanisme éolien qu’ils sont dus. Ainsi, nous savons qu’à l’époque primaire, le soleil, en frappant des couches d’argile, les desséchait comme il fait aujourd’hui et les craquelait de façon à les réduire en écailles placées côte à côte, comme dans une mosaïque, mais séparées par des sillons qui mesuraient leur retrait. Si nous le savons, c’est qu’il est arrivé que le vent a charrié du sable dans ces sillons argileux, comme il en charrie encore, et que ce sable s’est plus tard solidifié en grès dont la forme est l’exact moulage des accidens primitifs. Or la grosseur des grains de sable, leur disposition relative, montrent que le vent de ce temps, si reculé qu’il soit, et qui nous a conservé cette sorte de soleil fossile, était tout pareil au vent de l’époque présente : constatation qui n’est pas si naïve qu’on croirait d’abord, car elle suffit à elle seule pour montrer la fausseté des vieilles idées sur l’intensité des phénomènes pendant les anciens âges du globe, comparée à celle des phénomènes actuels.