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Nous faisons fausse route en prenant pour base de la désignation de nos futurs sous-officiers leur instruction antérieure au moment de leur incorporation ; mais cela ne serait que peu de chose si cette méthode ne nuisait pas aussi, et surtout, à l’accroissement du nombre des rengagés.

Il est de toute évidence que le jeune homme un peu instruit, — porté du reste à s’exagérer son mérite à cet égard, — ne reçoit plus les galons de caporal ou de sous-officier comme une faveur mais comme un dû. C’est la consécration attendue d’un mérite personnel auquel est étranger celui qui les lui confère, trop heureux de trouver sous sa main un sujet aussi capable. Le sous-officier ne conserve aucune reconnaissance ni pour le métier militaire qui lui procure ces galons, ni pour le chef qui les lui donne ; ceux-ci, du reste, qui n’auront été ni vivement convoités ni ardemment disputés, ne seront bienvenus qu’en raison des commodités qu’ils donnent pour achever plus confortablement les années de service.

Certain, ou se croyant certain de trouver dans la vie civile un emploi plus rémunérateur des facultés qu’il s’attribue, notre jeune sous-officier s’empressera d’y retourner : le grade acquis ne sera à son sens qu’un atout de plus dans son jeu.

Combien sera différent l’état d’esprit du jeune homme, arrivé au corps sans grande instruction préalable, sans ambition comme sans vanité personnelle. Il se verra d’abord distingué par son chef, puis choisi en raison de ses aptitudes et de ses qualités, préféré à d’autres plus instruits, plus riches, plus élevés socialement. Il en sera flatté ; ces galons, — auxquels il n’avait jamais peut-être songé, sur lesquels il n’avait jamais compté, — seront reçus avec joie et avec respect. Formé et transformé par le métier militaire, il se sentira grandi en lui-même et autour de lui. Vienne le moment de quitter cette situation si nouvelle, si honorable, si péniblement conquise, comment n’hésitera-t-il pas ? Rentrer dans la vie civile pour retomber dans une situation à la fois précaire et inférieure, redescendre quand on a su s’élever au-dessus des camarades, des amis, des voisins, cela est pénible. Qu’à ce moment le sous-officier trouve dans un bon rengagement des avantages matériels suffisans, il rengagera.

Modifier radicalement notre manière de procéder à la désignation des futurs sous-officiers (élèves-caporaux), changer, avec