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d’avoir non seulement « altéré » ou « défiguré, » mais « falsifié » son auteur ; et n’est-on pas allé jusqu’à prétendre qu’il aurait inséré des sermons entiers de lui, Bretonneau, dans la collection des Œuvres de Bourdaloue ? Et, à la vérité, son édition, la seule que nous ayons de Bourdaloue, — puisque toutes les autres n’en sont qu’une reproduction, — n’est pas tout à fait encore aussi discréditée que celle que La Beaumelle a donnée des Lettres de Mme de Maintenon ! Mais elle ne tardera pas à l’être ! Et si nous en voulions croire le Père Griselle, M. Castets et Mgr Blampignon, il nous faudrait attendre, pour étudier à nouveau l’éloquence de Bourdaloue, qu’on nous eût procuré de ses Sermons l’édition historique, critique et authentique, dont leurs travaux ont eu pour principal objet de démontrer la nécessité.

Cette édition, avons-nous besoin de dire que nous l’attendons impatiemment nous-mêmes ? Nous serons surtout heureux, pour des raisons que nous dirons plus loin, de voir enfin fixer, — ne fût-ce que d’une manière approximative, — la chronologie, très incertaine et très flottante encore, des Sermons de Bourdaloue. Et nous reconnaissons très volontiers qu’à cet égard les travaux du Père Chérot et surtout ceux du Père Griselle, dans son Histoire Critique, et dans la Revue Bourdaloue, nous ont déjà rendu de signalés services. Ils ont fait justice aussi de plus d’une légende. On ne nous reparlera plus, après eux, de Bourdaloue prêchant « les yeux fermés, » ni des prétendues allusions dont la sainte hardiesse n’aurait été, du haut de la chaire de Versailles ou du Louvre, que de l’impertinence. Mais, pour le texte de cette édition, quel qu’il soit, nous osons dire d’avance que nous n’aurons aucune raison de le préférer à celui de l’édition Bretonneau ; et le motif très simple en est que nous voyons bien qu’on dispose de plusieurs moyens de le gâter, mais de nulle ressource pour l’améliorer.

Si les manuscrits de Bourdaloue nous étaient parvenus, — j’entends ses notes originales, et dans l’état, par exemple, où nous sont parvenus ceux des Sermons de Bossuet, — nous éprouverions encore des scrupules ou des doutes. Ce ne seraient en effet laque des « brouillons, » on ne saurait trop le redire ; et quiconque a l’expérience, non pas même de la parole publique, mais de la correction des épreuves d’imprimerie, celui-là sait assez ce qu’un auteur introduit de changemens dans sa prose quand il s’agit de la faire passer de l’intimité de l’écriture, si je puis ainsi