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1er avril, et la promesse de ne point poser les armes, sans son consentement, à moins d’avoir fait restituer (à la Prusse) « tous les pays et États qu’elle possédait avant la guerre de 1806… Cette restitution devra s’étendre particulièrement sur la partie du duché de Varsovie qui appartenait à la Prusse. » Alors, il laissera battre son cœur, il s’abandonnera à la reconnaissance et ouvrira les bras à son ami, les yeux mouillés de larmes.

En attendant une réponse de la Russie, Hardenberg entame la procédure d’échappatoires avec la France, dans l’esprit et sur le patron de celle de Metternich. Saint-Marsan, arrivé à Breslau le 29 janvier, y put apprendre que York est rétabli en son commandement que, de fait, il n’avait jamais quitté. Ce diplomate regardait peut-être, mais il ne voyait pas, et s’il écoutait, c’était pour ne point entendre. De tant de bruits qui montaient autour de lui, de tant d’acclamations, chansons patriotiques, harangues enflammées, il ne percevait que les chuchotemens de Hardenberg ; de tous ces bataillons qui défilaient dans les rues, découvrant l’étendue des préparatifs cachés, il ne discernait que les factionnaires placés à la porte du palais, qui lui présentaient les armes ; les gestes de loyauté du Roi et de son ministre lui dérobaient tout le spectacle de l’insurrection. « Ne considérez, lui disait Hardenherg, tout ce qui se passe et ce que le Roi a fait et déterminé, que comme la conséquence des circonstances les plus urgentes et la nécessité de sauver un coin de terre pour asile au Roi, et de calmer l’exaspération publique. » Saint-Marsan l’écrit à Paris et il ajoute, le 15 février : « Le baron de Hardenberg m’a juré vingt fois aujourd’hui que le système n’a point varié, qu’aucunes ouvertures directes ou indirectes n’ont eu lieu pour la Russie… que la conduite du Roi… prouvait sa loyauté… » En conséquence, Hardenberg propose de procurer une trêve entre la France et la Russie, moyennant quoi, les Français se retireraient derrière l’Elbe ; il réclame la garde des forteresses silésiennes occupées par la France, plus Dantzig, enfin une remise de 45 millions sur l’arriéré de la contribution de guerre.

Cependant Knesebeck arrive au quartier général russe, à Klodova. Il y trouve des dispositions fort différentes de celles qu’il attendait. La magnanimité d’Alexandre était faite de la munie étoffe que la loyauté de Frédéric-Guillaume : subtile, glissante, rétractile à l’attouchement. Endoctriné par Stein, plus allemand que prussien et qui n’oubliait ni les injustices subies,