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berlinois, et quelques rigueurs préventives leur paraissaient indispensables pour assurer la fidélité des Rhénans. La place Saint-Géréon, sur laquelle s’élève le palais archiépiscopal de Cologne, fut, en un clin d’œil, occupée par la troupe ; et l’Etat prussien, sous la protection des baïonnettes, fit son entrée dans l’archevêché. Le président Bodelschwingh, au nom de son roi, invita l’homme d’Église à retirer l’écrit qu’il avait expédié au ministre ; l’homme d’Église refusa. Alors l’État prussien fit évacuer cet archevêché, où le roi ne pouvait être le maître : on empaqueta le vieillard dans une voiture ; un gendarme lui tenait compagnie, un autre veillait sur le siège ; et les diocésains de Cologne, le lendemain matin, apprirent avec stupeur que, de par la volonté de son roi, l’Église de Cologne était divorcée d’avec son archevêque. Droste fut mis au secret dans l’enceinte fortifiée de Minden, au fond de la Westphalie : l’État prussien s’estima vainqueur.

Il semblait que, dans l’Église rhénane, l’ordre allait de nouveau régner. Les autorités qualifiées de cette église étaient connues à Berlin pour leur bon esprit. A l’exception de deux chanoines qui passèrent pour de mauvaises têtes, le chapitre de Cologne accepta le fait accompli. Hüsgen, qui en était le doyen, fut nommé vicaire capitulaire, et la lettre officielle, par laquelle le chapitre informait le Pape, essayait de jeter le discrédit sur le prélat captif. Les chanoines, faisant bon marché de leurs liens avec l’archevêque, s’érigeaient, en face du pape, en apologistes de l’Etat. On eût pu croire qu’au nom de cette attache canonique qui unit un métropolitain à ses suffragans, les évêques de la province de Cologne montreraient quelque émoi. Il est permis d’espérer que, devant leurs autels domestiques, leurs voix se firent basses — basses comme l’était leur courage — pour murmurer quelques prières en faveur de ce prisonnier qui expiait leur esclavage et qui malgré eux les allait libérer. Elles furent perceptibles à Dieu ; mais les hommes, eux, n’entendirent qu’un silence ; et, onze ans après, à l’assemblée de Wurzbourg, le chanoine Lennig rougissait encore de cette étrangeté : « Au moment de l’arrestation de Clément-Auguste, déclarait-il, un fait sans précédent se produisit dans l’histoire de l’Église, par suite du manque d’unité : l’épiscopat allemand ne fit rien. »

Les lèvres de l’archevêque étaient closes par la force, celles des chanoines s’ouvraient pour dire Amen ; et dans son duel