permettaient de nous retrouver dans ce dédale : la seconde édition collective des Œuvres de Ronsard est de 1567 ; la Franciade a paru pour la première fois en 1572 ; nous savons exactement quelles pièces, et il y en a près de 250, ont vu le jour en 1578 ; et nous savons enfin lesquelles s’y sont ajoutées dans les éditions de 1584 et 1587.
C’est la Franciade qui a été, de 1563 à 1572, la grande occupation de Ronsard, et le regrettable labeur de sa maturité. Les circonstances le favorisaient. Charles IX, — et il devait bien cela à l’auteur des Discours des Misères de ce temps, — l’avait pris en affection personnelle et très particulière. S’il ne lui adressait pas les vers trop souvent cités :
- Tous deux également nous portons des couronnes,
lesquels paraissent être apocryphes, il lui en adressait d’autres, que le poète nous a soigneusement conservés :
- Maintenant n’est plus temps de faire jardinage,
- Il faut suivre ton roi qui t’aime par sus tous
- Pour les vers qui de toi coulent braves et doux ;
- Et crois, si tu ne viens me trouver à Amboise,
- Qu’entre nous adviendra une bien grande noise…
Ce sont des vers de prince ! mais on ne s’étonnera point que le poète en ait goûté la flatterie. Aussi ne doutons-nous pas que la faveur marquée de Charles IX ait encouragé Ronsard dans son dessein de donner à la France ce « long poème, » ce « poème épique, » dont on admettait universellement qu’il était, lui, Ronsard, seul capable en français, et qui passait alors, non moins universellement, sur la foi des chefs-d’œuvre d’Homère et de Virgile, pour le suprême effort de l’esprit humain. Grave et funeste erreur, dont nous dirons plus tard, quand nous essaierons d’apprécier dans son ensemble l’œuvre de la Pléiade, les causes et les conséquences ; mais erreur, qu’en tout cas, ses contemporains n’ont point reprochée au poète, et quoique pourtant, s’il y a quelque chose de médiocre dans l’œuvre de Ronsard, je veux dire d’inférieur à lui-même, ce soit, non pas même sa tentative, mais, — il faut avoir le courage d’en prononcer le mot, — sa caricature ou sa parodie d’épopée[1].
- ↑ On consultera avec intérêt et profit sur la Franciade le livre d’Eugène Gandar : Ronsard, imitateur d’Homère et de Pindare, Metz, 1854 ; qui a vieilli, peut-être, en quelques points, mais qui a l’avantage d’être l’œuvre d’un homme qui connaissait admirablement Ronsard, Pindare et Homère.