Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 24.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petites-filles et à toute leur suite, pour favoriser ceux de ses descendans mâles qui choisiront une carrière déterminée, pour maintenir son industrie ou sa propriété, pour subventionner telles études ou tels plaisirs qu’il désigne. Il constitue un bien en argent ou en immeubles, il prend des arrangemens qui rendent l’aliénation impossible, il nomme un conseil d’administration, et voilà sa volonté, son activité prolongée par-delà sa mort. Il est mort, il agira encore, plaira, déplaira, (interviendra, fécondera la vie.

Une autre liberté que donne le nouveau code, c’est que par-dessus la tête de ses enfans, l’Alsacien-Lorrain peut instituer héritiers ses petits-enfans, grevés à leur tour de substitutions fidéi-commissaires au profit de leurs propres enfans. On assure ainsi la permanence de sa propriété familiale pendant trois générations. Puis un arrière-petit-fils, si sa raison le lui conseille, prendra des mesures pour renouveler la substitution. (L’héritier ainsi grevé est propriétaire de la succession, il en jouit, ses droits et ses obligations sont restreints seulement dans la mesure nécessaire pour assurer les intérêts du substitué. En somme, c’est une position analogue à celle de l’usufruitier.)

On pourrait multiplier les preuves de cet esprit constructeur de la loi allemande, en opposition avec l’esprit niveleur et égalitaire, tranchons le mot, destructeur de notre législation. — Tandis que la France défend que l’on reste dans l’indivision plus de cinq ans, l’Allemagne permet de reculer le partage d’une succession à trente années. — L’Allemagne donne au père plus de latitude que chez nous pour avantager l’un de ses enfans, ou même un étranger. — En France, une donation faite de son vivant par le père à l’un de ses futurs héritiers ne demeure à celui-ci que jusqu’à concurrence de la quotité disponible au moment de la succession. En Allemagne, celle générosité ne sera pas décomptée, pourvu qu’elle ait précédé de dix ans au moins le décès du père.

Je m’arrête, et je m’excuse de mettre ces faits sous les yeux de mes lecteurs. Feront-ils bailler ? J’avoue qu’ils m’emplissent d’enthousiasme. Ce sont les moyens d’un magnifique drame, les manœuvres les plus récentes et les plus savantes de la grand bataille germano-latine. Après les généraux, voici les juristes en présence, et vraiment les cartouches de dynamite les plus adroitement placées sont moins redoutables que ces ternes