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Contribution mobilière dont le ressort essentiel est, — comme dans le projet actuel de M. Rouvier, — le loyer d’habitation. C’est d’après sa valeur que l’on détermine les « revenus d’industrie et de richesses mobilières » (article 16) ; la « cote des gens en pension » (article 17) ; les « salaires » eux-mêmes (articles S et 21). Quant au barème du calcul, il est ainsi fixé par l’article 18 :

Pour obtenir le revenu total d’un contribuable, on multiplie :

Par 3 les loyers de 400 à 500 livres ;

Par 4 ceux de 500 à 1 000 ;

Par 5 ceux de 1 000 à 1500, etc., etc. ;

Enfin par 12 et demi les loyers de 12 000 livres et au-dessus.

Les loyers de moins de 100 livres sont multipliés par 2 ; si bien qu’un loyer de 50 livres révèle un revenu de 100 livres, et un loyer de 12 000 livres révèle un revenu de 150 000 livres.

Aucun revenu en principe n’est exempt de l’impôt, tous les citoyens sont égaux devant la loi ; cependant, des dispositions spéciales s’efforcent d’établir une équité aussi positive que possible. Les revenus fonciers, déjà imposés, sont déduits du revenu qui devra supporter la contribution mobilière : on ne paye pas deux fois ! La valeur des locaux servant à l’exercice du métier, de la profession du contribuable sera déduite de celle du loyer total. Les chefs de famille ayant à leur charge plus de trois enfans sont détaxés suivant le nombre de ces enfans (plus de 3, plus de 6…). Les manouvriers, les artisans, les marchands à boutique ouverte et au détail, les commis, etc., sont détaxés, plus ou moins, suivant la population ; les célibataires, surtaxés, Enfin, la loi s’est ingéniée pour être à la fois aussi juste, aussi humaine que possible, et l’Instruction adressée à la Nation par l’Assemblée, à l’occasion de cette loi, traduit ce souci dans tous ses détails en même temps qu’elle est un modèle de clarté.

Si jamais loi fiscale parut bien faite et de nature à réussir, c’est à coup sûr celle-là. Mais rien ne peut prévaloir contre un principe faux. L’Assemblée s’était trompée en prenant le loyer d’habitation pour mesure du revenu. Les événemens ne tardèrent point à le lui prouver.

Cette loi, en apparence si parfaite, si logique, si équitable, était au fond contraire à la nature des choses. Malgré toutes les précautions du législateur, elle tourna contre le Trésor, contre