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part, l’argent sort des bas de laine et des cachettes comme par enchantement, ce qui prouve qu’on réalisait des économies, qu’il y avait quelque aisance dans le monde rural ; car comment, sans cela, aurait-il acheté et payé les biens nationaux ? Mais la rapacité des agens du fisc était, elle est encore passée en proverbe parmi les hommes de la terre ; que dis-je, elle est un dogme détesté, redouté : il faut donc ruser avec ce fisc, et l’on ne s’en faisait point faute[1].

La Révolution augmente ainsi le nombre de ses partisans dans les campagnes : plus ils se multiplieront, mieux ils la protégeront contre un retour offensif de l’ancien régime. « En prenant la terre, jusque-là aux mains d’un absentéiste, bénéficier, grand seigneur ou financier, pour la faire passer aux paysans cultivateurs, on opérait une révolution économique d’une singulière portée, dit M. Emile Chevallier. Cette classe des petits propriétaires, qui avait commencé à se constituer en France au cours du XVIIIe siècle, devenait plus forte et plus nombreuse ; la propriété rurale, jusqu’alors ecclésiastique, féodale ou financière, tendait à devenir paysanne. » Voici quelques exemples. A Thieux, district de Clermont, sur deux fermes provenant de l’abbaye de Saint-Lucien, l’une passe aux mains d’un bourgeois de Paris, l’autre est adjugée à 38 laboureurs et payée comptant. A Catenoy, où le duc de Bourbon possédait 1 100 mines (275 hectares), on vend à part la ferme de Luchy ; puis, 700 mines, divisées en 75 lots, sont acquises, pour la majeure partie, par les laboureurs. A Fouilleux, on vend à part le corps d’une ferme appartenant à M. de Franclieu, émigré ; mais 267 mines sont aliénées en 129 lots. La ferme de Mognéville, au duc de la

  1. Je résume ici le remarquable rapport de M. Emile Chevallier pour l’Exposition universelle de 1900, et la belle étude de M. de Foville sur Le Morcellement. Voir encore C. Bloch, Étude sur l’histoire économique de la France, 1760-1789 ; — A. Souchon, la Propriété paysanne ; — Baudrillart, les Populations agricoles de la France ; — D. Zolla, la Crise agricole, Études d’Économie rurale ; — Flour de Saint-Genis, la Propriété rurale en France ; — Doniol, Histoire des classes rurales en France ; — Albert Babeau, la Vie rurale dans l’ancienne France ; le Village sous L’ancien régime ; — Convert, l’Industrie agricole, la Propriété ; — Imbart de la Tour, la Crise agricole en France et à l’étranger ; — Hippolyte Passy, les Systèmes de culture ; — Roscher, Économie politique rurale, traduction de Charles Vogel ; — René Henry, la Petite propriété rurale ; — Bulletin de la Société des agriculteurs de France ; — Journal de l’agriculture ; Journal d’agriculture pratique, etc. ; — Léonce de Lavergne, l’Agriculture et l’enquête ; l’Agriculture et la population ; — Congrès internationaux d’Agriculture de Paris, la Haye, Bruxelles, Budapest, Lausanne et Borne, 12 volumes, Lahure.