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elle a une fois réussi, c’est que son héros est un malade : le portrait de l’homme normal offre des difficultés presque insurmontables. Cependant elle fait du théâtre[1] et travaille avec passion, heureuse de pouvoir aborder le public corps à corps pour ainsi dire. Mais on voit que le succès n’est pas sa préoccupation dominante ; sa joie est de chercher.

On parle beaucoup de la guerre ; un naturaliste connu qui revient presque aveugle du Japon, où il a professé pendant de longues années dans les Universités, ne tarit pas sur « ce pays délicieux pour lequel il a pris un billet de retour. » Il est écouté avec faveur, car les Japonais ont toutes les sympathies anglaises ; l’attention générale est fixée sur leurs victoires affichées dans les rues de Londres avant la publication des journaux, sans grand souci, comme il arrive, de l’authenticité des nouvelles. Il va de soi que l’espérance de voir la guerre en général cesser par suite de l’horreur même qu’elle inspire est exprimée comme elle le serait dans toute autre réunion. Mais plusieurs de ces dames secouent la tête : « L’homme, disent-elles, est un animal de combat, a fightinq animal. » Et mon voisin de table me cite à demi-voix ce mot de Strauss : « La guerre finira quand les enfans naîtront d’une conversation intellectuelle. » C’est-à-dire lorsque c’en sera fait des passions, de la brutalité humaine.

Un professeur suppléant au Collège de France, qui a étudié à Cambridge et qui aime la vie anglaise, répond cordialement aux nombreux partisans de l’entente nouvelle entre nos deux pays. Il y en a, je crois, autant que de convives ; la visite du Président Loubet, les égards tout spéciaux que lui a témoignés le Roi, dont jamais l’accueil pour aucun souverain n’a été plus flatteur, ont produit un grand effet en Angleterre. Le jeune professeur reste sur son terrain ; mais on lui sait gré de signaler les avantages précieux que peut produire l’alliance de la science française, peut-être trop absolue, trop portée aux abstractions, et de la science anglaise, peut-être trop pratique et trop positive.

Je ne voudrais pas que l’on prît nos toasts pour un prétexte à de copieuses libations. Anglaises et Américaines ne boivent généralement que de l’eau, mais on fait circuler certain breuvage intitulé claret (bordeaux) ou hocks (vin du Rhin) selon

  1. Plusieurs authoresses anglaises abordent le genre dramatique. Mrs Ward va donner, dit-on, au théâtre de Sa Majesté une pièce qui sera peut-être aussi jouée en France : Agatha.