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Ah ! sans regret, sans leurre, ou désir inutile,
Sans orgueil, sans effroi, sans trouble et sans tourment
Puisses-tu voir ainsi qu’une eau calme et tranquille
Couler le flot des jours, ô cœur indifférent !


LE REGRET


Quand je refermerai mes grands yeux dans la mort,
Vous pleurerai-je, hélas ! amèrement, ô vie !
Et vous, âge du rire et de la fantaisie !
Et vous, ô bel amour, doux, joyeux, sombre ou fort !

Et vous, naïf orgueil de mon jeune visage,
Et vous, souple fraîcheur de mes bras ronds et nus,
Et vous lointains pays, charmes ressouvenus
Du départ, du retour, et du changeant voyage !

Certes, de tout cela le multiple regret
Tournoiera tout au fond de ma mémoire lasse,
Long cortège masqué qui passe et qui s’efface,
Mirage, oubli, bonheur, tristesse, ombre, reflet…

Mais non, ce n’est pas vous, grâce de ma jeunesse,
Ni vous, ô liberté, rêve de mon cœur fier,
Que je verrai s’enfuir dans un sanglot amer,
Mais vous, mais vous ! ô chère et divine tendresse !

Alors qu’il me faudra pour jamais oublier,
C’est vous, c’est vous ! douceur des choses coutumières,
Vous qui resplendirez de suprême lumière,
Vous, mes humbles objets au charme familier !

Ce sera février, égrenant les grains d’ambre
De son beau mimosa duveteux et doré ;
Ce seront les glaïeuls de l’automne adoré
Et l’enivrante odeur des roses de novembre ;