fatalement dans les affaires privées, que la loi ne fut votée que comme une mesure extraordinaire exigée par les circonstances, ainsi que l’income-tax l’avait été en Angleterre en 1798, lorsque William Pitt l’établit avec promesse formelle de la supprimer dès la fin de la guerre avec la France : le Congrès inséra dans la loi une disposition qui l’abrogeait d’avance dès 1866.
Une nuée d’agens spéciaux furent nommés pour renforcer ceux qui existaient ; de nouveaux bureaux de perception organisés dans tous États et territoires ; on fouilla tous les livres ; on interrogea tous les témoins, on exigea de chaque contribuable les déclarations les plus minutieuses sur ses gains, ses marchandises. Le 30 juin arriva, le produit de tant d’efforts fut de 13 709 490 francs ! Stupeur du Congrès !
Sans doute, c’était la première année, on n’était pas encore bien agencé ; à coup sûr la loi était imparfaite ; on la perfectionna sans tarder. L’impôt fut porté de 3 pour 100 à 5 pour 100 sur les revenus de 3 000 francs à 25 000 francs ; — à 5 et demi pour 100 sur les revenus de 25 000 francs à 50 000 francs, — et à 10 pour 100 sur les revenus au-dessus. Une série de dispositions de détail rendirent le système plus précis, plus rigoureux, et d’année en année, notamment le 30 juin 1864, le 3 mars 1865, de nouveaux perfectionnemens furent apportés à la machine, pour la faire jouer avec plus de force, de précision, d’étendue. Il était impossible que ces efforts ne produisissent rien. La recette s’éleva, atteignit 100 millions de francs en 1864, 150 millions en 1865, 364 millions en 1866. Ce fut le point culminant.
Mais la guerre était finie ; l’échéance fixée par la loi était arrivée : on la prorogea ; le Trésor avait encore tant de besoins, il fallait combler des gouffres si profonds ! Toutefois on allégea quelque peu le fardeau ; les revenus exemptés furent portés de 3 000 francs à 5 000 francs, on abaissa l’impôt à 5 pour 100 uniformément, supprimant ainsi la progression, et on reporta à 1870 l’échéance de la loi.
Que devenait cependant l’opinion ? Elle s’était complètement transformée ; non pas les seules victimes directes du système, mais le pays tout entier, qui en souffrait par action réflexe, par choc en retour, réclamait l’abrogation de cette insupportable et ruineuse réforme. Ce fut bientôt un concert universel de plaintes, de récriminations, dans les journaux, dans les revues, dans les réunions publiques, un déluge de pétitions contre la loi, naguère