Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 25.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plein de bonté pour tous, Constable gardait à la mémoire de ses parens un souvenir pieux qui s’étendait jusqu’à leurs vieux serviteurs. Il considérait ceux-ci comme étant de la famille, et, par une attention délicate, pour reconnaître les longs et loyaux services qu’ils avaient rendus aux siens, il les faisait enterrer à côté de son père et de sa mère. Un dessin exécuté par lui, en octobre 1818, nous montre, en effet, leurs tombes réunies dans le cimetière de Bergholt, près de l’église du village[1].

Dans ses dessins, Constable a recours aux procédés les plus variés et il excelle à tirer de chacun d’eux le meilleur parti possible. Tantôt il se sert du crayon de mine de plomb afin d’obtenir, ainsi qu’il l’a fait pour ses études d’arbres, une grande précision dans les formes ; tantôt, comme dans ses croquis du Canal de Newbury et du Pont d’Abingdon (7 juin 1821), grâce à l’emploi combiné du crayon noir et de l’estompe, il établit largement son effet, avec autant de décision que de délicatesse. D’autres fois, sur une silhouette tracée à la plume, il note les principales valeurs par de légers lavis d’encre de Chine, et même les colorations par des rehauts donnés à l’aquarelle qu’il pratiqua toute sa vie avec une habileté magistrale. Mais, qu’il manie le crayon ou le pinceau, qu’il s’agisse de panoramas comme ceux d’Hampstead, d’Old Sarum ou de Child’s-Hill (1820 et 1821) ; d’aspects de la campagne aux environs de Dedham ; de monumens comme le clocher de Salisbury émergeant de la verdure ; de vues des bords de la mer à Brighton (septembre et octobre 1824) ou d’une de ces écluses qui si souvent l’ont attiré, dans ces motifs si divers, rapidement indiqués, le caractère du paysage est toujours rendu avec une grande vérité.

Les études peintes par Constable ne sont pas moins sincères. En face de la nature, non seulement il oubliait qu’il eût jamais vu aucune peinture, mais il faisait bon marché de ce qu’il savait lui-même, se gardant des formules apprises, s’appliquant à retrouver la naïveté émue d’un débutant. Sans parti pris, avec une candeur d’enfant, il essayait d’exprimer ce qu’il voyait, ce qu’il sentait, ne tirant de son expérience et de son talent qu’une vision plus nette et plus vive de ce qui dans la réalité lui paraissait essentiel, qu’une docilité et une souplesse de main plus

  1. Ce dessin, après avoir appartenu au capitaine Constable, descendant de l’artiste, fait aujourd’hui partie, avec beaucoup d’autres dessins du maître, de la belle collection de M. J. -P. Heseltine.