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pour tous les hommes et toutes les femmes qui eux-mêmes sont forts et braves et d’âme haute. » Sommes-nous donc cette nation ? Serions-nous destinés à passer sous le joug ? Par hérédité le Français devrait être brave. La mystification internationaliste l’a-t-elle donc à ce point déprimé qu’il en soit arrivé à nier le danger pour se donner cette illusion qu’il n’aura pas à se battre ?

Ne désespérons pas. Nous pouvons encore répudier avec dégoût les lâches théories du bien-être à tout prix. Mais les mauvais paratonnerres, au lieu de préserver, de la foudre, l’attirent. Un pays qui n’est pas résolu à faire tous les sacrifices nécessaires pour assurer son indépendance fera mieux de ne pas entretenir d’armée. Les forces militaires exigent autre chose qu’une façade. Des régimens dont la musique est la plus solide unité n’ont jamais intimidé personne. Vouloir jouer à la grande nation est dans ce cas d’autant plus ridicule, que l’on est résolu à tout céder plutôt qu’à combattre. Mieux vaut désarmer. Alors tendons le cou au collier et achetons notre quiétude au prix d’une chaîne. Notre abaissement permettra de se débarrasser d’une vague milice, « loque militaire » coûtant très cher et sans valeur. Suffit-il d’habiller soudain des citoyens en soldats pour donner des troupes prêtes à faire la guerre ? Tout le monde sait qu’il n’en est rien. Pourquoi faire semblant de croire à ce mensonge ? Sous peine de destruction, il nous faut revenir aux principes qui de tout temps ont assuré la cohésion des armées, et ne pas essayer de porter à la frontière des foules sans consistance, dont le moindre revers disperserait pour toujours les élémens démoralisés.

A certaines heures graves, des souffles divins passent sur une nation, l’exaltent, la transforment et l’élèvent. C’est qu’ils portent en eux les principes de toutes les forces morales. Ils s’appellent Religion, Patriotisme, Liberté. Les peuples qui se détournent de ces vertus sont irrévocablement condamnés. Bientôt conquis et démembrés ils disparaissent de la scène du monde ; et c’est justice. C’est la justice immanente des choses, dont nous parlait naguère un patriote républicain.


NEGRIER.