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Montalembert pour les jeunes gens, si je me souviens de ce que je lui dois, de ce qu’il a réveillé, excité en moi, j’ai pu voir aussi de quelle admiration et de quelle reconnaissance la jeunesse était animée envers lui.

Cette influence sur la jeunesse, il ne la devait pas seulement à sa nature chevaleresque, enthousiaste, généreuse ; il la devait aussi au sens très juste qu’il avait des aspirations et des besoins de son temps ; il la devait par-dessus tout à la foi qui, partant de son âme, allait ébranler les autres. « Tâchons de croire à quelque chose, disait, hier à peine, un homme d’un esprit fin et clairvoyant, que la mort a emporté, tâchons de croire à quelque chose, si nous voulons que les jeunes gens croient en nous[1]. » Tous ceux qui, aujourd’hui, à Paris ou dans les centres actifs de province, sont en contact avec la jeunesse, peuvent constater à quel point rayonne encore dans ces milieux le souvenir de Montalembert. Il y a laissé des fermens de vie, une aversion des choses basses et viles, un désir de se dévouer dont on voit et dont on verra plus encore les effets. Je ne suis pas de ceux qui désespèrent. Il m’est arrivé de soutenir, dans un livre qui date d’une quinzaine d’années, qu’il s’est produit en France, dans la dernière période de cinquante ans, une véritable renaissance religieuse. Cette renaissance, je me gardais bien d’être assez injuste pour la rapporter uniquement à Montalembert et à ses amis, alors que bien d’autres, dans des camps différens, y ont travaillé avec tant d’ardeur et d’éclat, et en peuvent revendiquer leur part. La thèse a paru à quelques-uns d’une confiance paradoxale, même à l’époque où elle se produisait ; et je ne sais ce que ceux-là en diraient, aujourd’hui que l’exaspération du sentiment antichrétien est devenue si violente, que nos libertés sont en partie détruites, qu’un abîme semble séparer l’Église de la société moderne. Pourtant, ma conviction ne s’est pas modifiée. Je ne crois pas que l’admirable mouvement pour lequel se sont passionnées les âmes les plus vaillantes de notre temps, se résume en une vaste faillite. Le changement qui s’est accompli dans les classes élevées, au point de vue religieux, subsiste toujours. Et quant au peuple, le vrai peuple est, au fond, bien éloigné d’être hostile à la religion chrétienne. S’il se montre rebelle à l’ingérence du clergé dans les affaires politiques, il

  1. Larroumet.