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IV

Solange écrit à sa mère, le 9 juillet :


À l’occasion de la réception de Sandeau, à l’Académie, j’ai fait la connaissance de Sainte-Beuve. Il a salué notre rencontre d’une gracieuseté à ton adresse, dans son compte rendu de la séance[1]. Il me prête des livres, et me les commente avec beaucoup d’obligeance.


George Sand répond, le 11 juillet :


Je suis bien aise que tu voies Sainte-Beuve. C’est un esprit incomparable, et que j’aimerai toujours, bien que je ne l’aie pas vu depuis des siècles. Je crois qu’il est brouillé avec la Revue des Deux Mondes, car je n’y vois plus rien de lui. Où écrit-il ? Tâche donc de m’envoyer ce qu’il a dit sur moi.


Mais un brusque départ de Solange pour Florence suspend ces relations à peine commencées :


Sainte-Beuve vient d’écrire à Mme Allart[2] pour lui demander en ma faveur une lettre pour le fameux Capponi. Je t’ai envoyé la Revue européenne où il écrit maintenant. Oui, il est brouillé avec la Revue des Deux Mondes. Mais je ne sais pas pourquoi. Il a été charmant et excellent pour moi, s’intéressant, et paternisant. Il me montrait le chemin et me prêtait des livres. Mais mon départ démanche ces séances de bons conseils littéraires. Je le regrette infiniment. Il enseigne à merveille, avec érudition et avec goût. Au fait, tu le connais, je ne sais pas ce que je te conte là ! Les enfans croient toujours avoir découvert ce que les parens savent mieux qu’eux ! (28 juillet.)


Revenue de Florence, Solange reprend, au début d’octobre, contact avec Sainte-Beuve. La lettre dans laquelle elle détaille une de ses visites au petit ermitage de la rue Montparnasse est trop intéressante pour que nous n’en citions pas la majeure partie. Après toutes les révélations que nous a values récemment le centenaire du célèbre critique, elle conserve tout son prix, et toute sa saveur. La description de cet intérieur de bénédictin laïque, et le portrait légèrement égratigné de Feydeau qui lui fait suite, prouvent bien que ni Girardin, ni Lanfrey, ne se trompaient en croyant Solange capable de talent.

  1. Revue européenne du 1er juin 1859 ; — article inséré depuis dans le tome XV des Lundis ; l’allusion à George Sand est à la fin, p. 326.
  2. Mme Hortense Allart de Méritens, auteur, entre autres, de nombreuses publications sur l’Italie.