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tout une Italienne, ce n’est pas une roquette froide, c’est une fille doublée d’une coquine. Il faut absolument la féminiser, l’humaniser un peu. J’ai tenté de t’indiquer dans un feuillet attaché à la page… la seule chose qu’elle aurait à dire pour se faire tolérer jusqu’au bout. Traduis l’idée à ta façon. C’est sur ce caractère de la Tasca, en effet mal venu, ou tout au moins énigmatique, que convergent presque toutes les observations. — Page 44 bis : En voulant peindre une coquette, tu lui as laissé trop de conscience, ou tu ne lui en as pas donné assez. Elle a souvent l’air de manquer de raison d’agir dans un sens ou dans l’autre. Elle est indécise, et comme dépourvue de jugement. Il y a, au bas de cette page, une phrase incompréhensible que j’ai rayée, ne trouvant aucun moyen de l’éclaircir.


Et Solange, en accueillant avec gratitude ces remarques, de s’écrier : « Si tu crois que c’est facile de faire un mauvais roman !… C’est joliment peu commode de dire ce qu’on veut dire ! » Elle reprend, corrige, adoucit. Nous avons pu relever, sur le volume, les preuves évidentes de ces corrections de détail.

Quant au style de Solange, style volontiers nerveux, saccadé, il n’était guère possible d’en changer la tenue. Mais quelle leçon pour elle que cette appréciation d’ensemble !


En général, il faut étudier, dans la construction des phrases, ce qu’on appelle le nombre. Cela répond au rythme en musique, mais moins absolument. Le nombre est facultatif pour chaque phrase. Je ne suis pas pour la monotonie et l’habitude de couper de même chaque fragment du discours. Il y a une sorte d’équilibre à établir, et l’habileté est de le glisser partout sans qu’on s’en aperçoive dans les choses de développement et d’analyse, pour le briser ensuite avec une certaine brusquerie quand on se hâte vers la solution de l’idée, et le jeter bas à la fin par un trait net, brillant, chaud ou glacial, selon la nature du sujet. L’instinct nous éclaire là-dessus mieux que la règle, et tu y arrives parfois heureusement. Mais souvent tu alourdis tes réflexions par une surabondance d’épithètes ou d’équivalences qui refroidissent et allongent. Alors le nombre, ce que j’appellerais l’harmonie dans les proportions n’y est plus. Mes fréquentes ratures, que tu feras bien d’examiner toutes, s’efforcent de rétablir un peu l’équilibre là où il manque trop, et de le faire disparaître quand il y en a trop…


Dans la première version, la Tasca, après avoir raconté la fin tragique de Bruneau, déclarait qu’elle renonçait au monde et se retirait dans un couvent. Voici les réflexions de George Sand sur ce dénouement :


Dernière page. — cette conclusion de vouloir entrer dans un couvent, elle, la Tasca, justement qui ne croit à rien, est très mauvaise, et puérile comme moyen. C’est usé jusqu’à la corde. Je crois que la conclusion logique